Le vide sidéral de la pensée

LE VIDE SIDERAL DE LA PENSEE
Ce qui ne peut plus durer, c'est le désintérêt du Parti socialiste pour la réflexion idéologique ! Ce parti qui était capable de s'enivrer de débats doctrinaux dans les années 1970 a sombré, avec l'expérience du pouvoir et ses désillusions, dans une sorte de pragmatisme stérile.
On est passé d'un excès à l'autre, de la boursouflure marxiste à un vide sidéral de la pensée... A la base, on se réfugie, comme à l'époque de la SFIO, dans la gestion locale. Au sommet du PS prédomine une sorte de culture « techno-ministérielle ».
On place les deux concepts du jour au début des « motions », on fait quelques colloques pour la forme, mais pour l'essentiel on se fiche pas mal de ces « trucs d'intellos ». On n'appréhende plus les problèmes que par le biais des mesures techniques, sans jamais donner le sens et la vision, sans jamais dire aux Français quel est le nouveau projet historique de la gauche.
Or cet immobilisme a des conséquences majeures. Non seulement nous n'avons pas actualisé nos valeurs pour tenir compte notamment de l'effondrement du marxisme, mais nous sommes gravement en retard dans l'analyse collective des transformations du monde et de la société. Après 2002, nous avons compris, par exemple, que les 35 heures avaient mis en jeu une nouvelle contradiction entre les chômeurs et les salariés modestes. Nous avons esquissé le diagnostic de la fragmentation de notre base sociale. Mais nous n'avons pas approfondi cette analyse et nous n'en avons tiré aucune conclusion essentielle. Cinq ans plus tard, notre seule réponse a été le smic à 1 500 euros, qui n'a pas convaincu les gens.
Le PS doit changer dans son rapport aux intellectuels. Il doit arrêter de les instrumentaliser. Et il ne suffit pas qu'en son sein ou autour de lui des gens réfléchissent. Il faut que le parti s'approprie cette réflexion, que l'élaboration idéologique redevienne un souci collectif.
L'enjeu est vital. S'opposer à Sarkozy ne suffira pas à se redéfinir. Faire sauter quelques tabous pour le principe, non plus. Le fond ne se réduit pas à la communication. L'important pour le socialisme français n'est pas qu'on dise que Ségolène Royal « fait bouger les lignes ». L'important est de faire bouger les bonnes et dans le bon sens ! Une nouvelle culture politique est nécessaire. Une nouvelle génération est nécessaire. Une nouvelle conception du parti est nécessaire. Celui-ci doit redevenir un intellectuel collectif, un parti d'avant-garde qui n'est pas dominé par les sondages et les impressions du moment, mais qui réfléchit et éclaire l'avenir.