L'ingéniérie social-démocrate

Publié le par SD32

eduard-bernstein.JPG«Le mouvement est tout, le but final n’est rien», Eduard Bernstein

 

Utilisé comme une marque de clivage par certains, vécu comme un objectif pour d’autres, le concept de « social-démocratie » occupe une place centrale dans les débats actuels sur la refondation de la Gauche.

Mais derrière le slogan, il reste encore difficile de distinguer en quoi la mutation social-démocrate constituerait une rupture salvatrice pour le Parti socialiste.

Théorisé par Eduard Bernstein, le révisionnisme démocratique fut la source d’inspiration d’un modèle social-démocrate qui s’est développé dans sa forme la plus aboutie, en Europe du Nord.
 

En France, la deuxième gauche porta cette nouvelle voie socialiste. Mais s’ils intégrèrent l’idée-force de la culture du compromis, les tenants de la social-démocratie « à la française » ont perdu en chemin ce qui constitue pourtant le cœur de l’orientation de Bernstein : la pratique politique comme constitutive de l’action réformiste. 

En résumant d’une formule que «le mouvement est tout, le but final n’est rien», Eduard Bernstein voulait non seulement signifier que les instruments politiques devaient être continuellement confrontés aux évolutions politiques et sociales, mais aussi que la social-démocratie est avant tout une pratique.

Certes, l’idée que le Parti socialiste pourrait épouser la cause social-démocrate par une nouvelle relation avec les forces syndicales et associatives, est présente dans l’ensemble des textes consacrés à ce sujet.  Mais reconnaissons que ce souhait reste relativement creux, dans l’ambition comme dans la déclinaison, pour prétendre incarner une révolution social-démocrate.
Celle-ci est pourtant à portée de main du Parti socialiste. A condition que celui-ci accepte les transformations nécessaires à sa mise en œuvre.

  La social-démocratie, un outil pour la bataille culturelle

Dans sa vision du parti politique, les théoriciens sociaux-démocrates ne limitent pas la fonction d’un parti à la simple conquête du pouvoir. Or, ce qui distingue particulièrement le PS actuel, c’est son incapacité à n’être autre chose qu’une structure électorale. Passé les élections, il ne se passe rien. De rares campagnes d’opinion, de maigres actions de terrain… Ces dernières décennies, le rôle social du Parti s’est ainsi réduit comme peau de chagrin, au détriment de sa participation à la bataille culturelle. 

Pour atteindre l’horizon social-démocrate, un premier mouvement consisterait donc à ancrer le Parti socialiste dans la société en revenant à sa fonction « d’éducation des consciences » par une plus grande participation aux mobilisations sociales et au débat public. 

La question des moyens de diffusion des idées, doit aussi être posée. Désormais dépourvu d’organe de presse, le Parti éprouve des difficultés à se faire entendre. Sans revenir aux instruments du passé, il est nécessaire de s’interroger sur de nouvelles modalités de propagande, rendues possible par les récentes avancées technologiques. La mise en place d’un média audiovisuel par le démocrate Al Gore mérite, par exemple, d’être étudiée.

La social-démocratie comme outil social

Fort de ses 300.000 adhérents, le PS détient désormais les moyens humains pour changer de nature. Il lui suffirait simplement  d’appliquer l’un des articles de ses statuts qui exige que  « les membres du Parti doivent appartenir à une organisation syndicale de leur profession et au moins à une association, notamment de défense des droits de l’homme, de solidarité, de consommateurs, d’éducation populaire, de parents d’élèves ou d’animation de la vie locale ». Voilà une contribution concrète à l’édification d’un syndicalisme de masse !

Investis massivement dans le champ social, les socialistes pourraient renouveler positivement leur rapport avec le mouvement associatif et les structures syndicales. Et parallèlement, la capacité du PS à offrir d’autres services (comme une véritable formation politique, la mise en relation avec des associations, des permanences d’aide juridique, du soutien scolaire ou d’information sur les secteurs de consommations ou d’épargnes solidaires) permettrait d’impliquer chaque adhérent à la vie de la structure.

Dans la même logique, le PS doit renouer avec son engagement internationaliste en s’investissant, de nouveau, aux côtés de ses partis frères et notamment  auprès de ceux qui se battent contre des régimes autoritaires. Par le jumelage des sections, par le soutien et la formation des démocrates progressistes, il serait possible d’impliquer concrètement l’ensemble des adhérents dans la filiation universaliste de la doctrine social-démocrate.

La social-démocratie, un outil pour rassembler la Gauche 

Plus fondamentalement encore, la conversion social-démocrate du PS implique de repenser la place du Parti face à la « Gauche du réel ». L’essor du mouvement associatif constitue un terreau précieux, sur le plan idéologique comme d’un point de vue électoral, pour la refondation de la Gauche.
Mais encore faut-il que le PS instaure les conditions nécessaires pour qu’un nouveau dialogue se noue, sans instrumentalisation ni subordination, avec ceux qui font vivre la Gauche au quotidien.
Les militants associatifs s’inscrivent  dans une démarche qui, parce qu’elle exige des gestes concrets pour des résultats immédiats, est profondément réformiste. C’est vers eux que le Parti doit donc se tourner pour trouver un nouveau souffle. C’est en acceptant d’être irrigué par les forces sociales, que le PS deviendra profondément social-démocrate.
Pour reprendre Bernstein, le problème posé au Parti socialiste n’est donc pas seulement qu’il « n’ose pas enfin paraître ce qu’il est », c’est aussi qu’il n’est pas organisé comme il devrait être.

Maxime des Gayets

Source: http://www.ouvronsledebat.net

Très beau texte de Maxime des Gayets qui apporte sa contribution à la refondation et nous permet de nous interroger.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article