ADN : La hantise du métissage

L’amendement parlementaire « ADN » dans le texte « immigration » du gouvernement est un signifiant / signifié qui peut se résumer ainsi : le désarroi devant « la pression migratoire et la hantise du métissage ».
Car enfin, si nous comprenons les ressorts de ce texte… il s’agit de terroriser ici les candidats à la migration sauvage pour tenter de faire barrage là bas.
Et en ce domaine on ne recule devant rien. On va même jusqu’à convoquer des préfets pour « mollesse dans la reconduite ». La culture du résultat pour une politique de l’affichage qui ne règle ni le problème des flux migratoires, ni les tensions qui existent dans les quartiers. On intime l’ordre, via les préfets, aux maires de cesser toute activité de solidarité aux « sans papiers ». Tout en leur retirant les moyens de financer un « remaillage civique des quartiers ».
Alors mettons les pieds dans le plat. La France n’a pas un problème principalement avec les immigrés clandestins, par contre elle est tenaillée par un vrai démon : l’implosion de son modèle d’intégration.
Le gouvernement ne règle pas avec ses mesures, le problème de la clandestinité – sans être cruel, on pourrait souligner que si le gouvernement prend de nouvelles dispositions c’est que le précédent ministre de l’Intérieur a échoué- En multipliant les réglementations répressives, coercitives et abrasives, il fait mine de rassurer mais passe à côté du vrai sujet. Il faut vraiment méconnaître la faim africaine, le délabrement social, la pauvreté endémique de ces pays pour croire que les murailles de papier feront barrage.
Mettons une deuxième fois les pieds dans le plat. Seule une politique européenne de développement peut sédentariser ces populations. Mais si les pays de la méditerranée peuvent l’envisager, ceux du nord de l’Europe ne veulent même pas en entendre parler. Le problème est là. Tant que l’Europe n’aura pas le même intérêt pour l’immigration qu’elle a pour l’euro ou la PAC, les moyens manqueront à une vraie politique efficace. Plutôt que tenter la diversion contre Jean-Claude Trichet pour masquer son imprévoyance économique, le Président de la République devrait poser le problème de la responsabilité collective Européenne vis-à-vis de sa frontière au sud.
Ce texte sur l’immigration met donc à côté de la plaque même si l’apprentissage du français est une évidence. Il ne règle pas le problème de l’immigration clandestine mais évite de poser LE problème français qui est la lente implosion de son modèle d’intégration. Le débat n’est donc pas de suivre la droite mais de traiter des vrais problèmes.
Il n’y a aucun angélisme là dedans. Il y a une réalité. La réalité des banlieues ou de mes cités du 19ème arrondissement, c’est une population marginale certes mais très visible qui est tournée vers la défense de l’identité, plus ou moins fantasmée, de leurs parents. La réalité ce sont ces jeunes qui se distinguent des autres de manière provocatrice ou agressive. La réalité c’est le repli identitaire qui s’oppose directement aux idées de mobilité sociale et géographique, et à la possibilité d’échanges généralisés, caractéristiques d’une société démocratique moderne. La réalité ce sont des bandes d’adolescents désoeuvrés et peu structurés, n’ayant acquis ni une tradition culturelle héritée ni la culture scolaire, animés par la haine et le ressentiment et qui manifestent un rejet violent des institutions et des « autres ». La réalité ce sont les affrontements violents des bandes en plein Paris. Les adolescents composant ces bandes sont majoritairement des descendants de migrants, qui renforcent volontairement leurs particularités les plus visibles. Leur sous culture négativiste et agressive, marquée par un hédonisme à court terme, s’inspire de la culture dominante et en retourne le sens. Elle se résume au chantage hystérique : « donnez-moi du fric ou je pète un câble et je fais des conneries ! ». Avec une violence qui traduit la frustration des enfants de ces milieux populaires qui n’ont pas les moyens de s’adapter à un monde dont les valeurs consuméristes et individualistes sont celles de la classe moyenne.
Parviendrons-nous un jour prochain à intégrer à la société française ces jeunes ? C’est la question posée à la France et pas le nombre de reconduites à la frontière !
Renan le savait bien : si la nation est un plébiscite de tous les jours, c’est parce que pour être un peuple, il faut avoir envie de faire ensemble de grandes choses, mais aussi se souvenir d’en avoir déjà fait. La responsabilité de la République, c’est de refuser l’enfermement des personnes dans des groupes particuliers, aux dépens de leur liberté de conscience et de leurs relations avec le reste de la société. C’est de faire primer sur la fidélité à une mémoire particulière l’exercice des droits et le respect des devoirs impliqués par la citoyenneté commune. Mais aussi le respect de certaines mœurs civilisées, antérieures mêmes à la proclamation des droits de l’homme, comme c’est le cas chez nous s’agissant de la visibilité publique des femmes et de la galanterie, garante d’une certaine égalité des sexes sur fond de liberté sexuelle. La responsabilité de la République, c’est d’affirmer le primat de l’intérêt général et des principes universalistes de l’Etat de droit par rapport à la défense potentiellement violente des intérêts particuliers immédiats, aggravée par les identifications ethniques. La République n’a pas à être l’entremetteuse des identités ou le souteneur des particularismes, mais le parangon de l’ouverture à l’autre et de la rencontre de l’autre, par la pratique de la citoyenneté. Elle doit repolitiser la démocratie pour donner à chacun les moyens matériels, juridiques et culturels de participer à la vie commune.
Renan le savait bien : si la nation est un plébiscite de tous les jours, c’est parce que pour être un peuple, il faut avoir envie de faire ensemble de grandes choses, mais aussi se souvenir d’en avoir déjà fait. La responsabilité de la République, c’est de refuser l’enfermement des personnes dans des groupes particuliers, aux dépens de leur liberté de conscience et de leurs relations avec le reste de la société. C’est de faire primer sur la fidélité à une mémoire particulière l’exercice des droits et le respect des devoirs impliqués par la citoyenneté commune. Mais aussi le respect de certaines mœurs civilisées, antérieures mêmes à la proclamation des droits de l’homme, comme c’est le cas chez nous s’agissant de la visibilité publique des femmes et de la galanterie, garante d’une certaine égalité des sexes sur fond de liberté sexuelle. La responsabilité de la République, c’est d’affirmer le primat de l’intérêt général et des principes universalistes de l’Etat de droit par rapport à la défense potentiellement violente des intérêts particuliers immédiats, aggravée par les identifications ethniques. La République n’a pas à être l’entremetteuse des identités ou le souteneur des particularismes, mais le parangon de l’ouverture à l’autre et de la rencontre de l’autre, par la pratique de la citoyenneté. Elle doit repolitiser la démocratie pour donner à chacun les moyens matériels, juridiques et culturels de participer à la vie commune.
Bref, on attendait un vrai débat sur un sujet « brûlant », quelques mois après les émeutes en banlieues. On attendait une prise de conscience nationale du mal républicain, et l’effort économique et social de la nation pour que l’égratignure ne se transforme pas en gangrène.
Nous n’avons qu’un leurre impuissant : « Dormez braves gens, on va terroriser les migrants »… Sont angéliques ceux qui croient à ces sornettes. Sont réalistes ceux qui veulent mobiliser l’Europe pour une vraie politique pour le Sud et s’attaquer réellement au remaillage « civique » de nos banlieues et nos quartiers.
Jean Christophe CAMBADELIS