L’étrange cas du Docteur Fillon et de Mister Sarkozy

L’exécutif serait-il devenu à ce point schizophrène qu’il creuse le déficit d’une main et pointe avec l’autre du doigt la dégradation de la situation budgétaire ? Ou bien est-ce un nouvel épisode de la saison 1 d’une mauvaise série qui voit la lune de miel entre le Président et son Premier ministre s’achever sur un vif désaccord ?
Probablement aucune de ces deux options. Cette divergence est en fait trop commode pour le gouvernement pour relever du pur hasard. François Fillon n’est sans doute pas suffisamment fou pour dresser ce qui ressemble à un réquisitoire contre la politique budgétaire telle qu’elle se dessine.
Sur les régimes spéciaux, les médias avaient souligné la maladresse de François Fillon déclarant la réforme prête et bousculant ainsi les partenaires sociaux. Cette bévue semblait pourtant trop flagrante pour un ancien ministre qui a déjà expérimenté les difficultés des chantiers sociaux. Elle a surtout permis à Nicolas Sarkozy d’inscrire la réforme sur l’agenda, de montrer sa détermination par l’intermédiaire de François Fillon tout en recadrant le débat et en apparaissant plus attaché à la méthode que son Premier ministre…
Sur la question budgétaire aussi, l’angle d’attaque de François Fillon ressemble étrangement à une tentative d’allumer un contre feu.
La conjoncture connaît aujourd’hui une nette dégradation qui ne saurait être imputée à Nicolas Sarkozy. Néanmoins, la responsabilité politique lui commande d’en tenir compte, avec le gouvernement, dans la construction du budget 2008. Or le Président, pourtant si prompt à faire l'éloge de la puissance et de la volonté, refuse d’admettre devant les Français cette responsabilité. Pourtant, si cette croissance n’est pas la sienne, ce budget sera bien le sien. C’est donc faire preuve de bien peu de pragmatisme que de persister dans la voie d’un PLF dispendieux en dépenses fiscales, bâti sur une hypothèse de croissance qui pourrait être trop optimiste.
La tentation du budget 2008 pourrait être celle d’une « politique de gribouille » consistant à instrumentaliser un dérapage organisé des déficits pour mieux le stigmatiser et légitimer une réduction massive des dépenses publiques à l'avenir. Et les faits semblent aujourd’hui donner du crédit à ce scénario.
Dans ce scénario, il manquait néanmoins la composition de celui qui pointe du doigt la situation préoccupante des finances publiques en même temps qu’il l’aggrave. Et avec les déclarations faussement maladroites de François Fillon, nous tenons là notre "héros", chevalier de l'orthodoxie budgétaire.
En soufflant le chaud et le froid avec François Fillon, Nicolas Sarkozy fait plus la démonstration de son savoir faire politique que de son apparente schizophrénie. Il prépare par là même de futurs PLF riches en réductions de crédits dont la RGPP (révision générale des politiques publiques) semble apporter la promesse.
Source Section PS Sciences Po Paris -Bastien Taloc-