Quand François rencontre François

Publié le par SD32

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La rencontre entre François BAYROU et François HOLLANDE, hier à l’Assemblée nationale, a été très commentée. Elle le mérite. Les deux hommes ont été prudents, à juste titre. Le champ de la discussion a été limité : il ne s’agissait que des institutions, de la recherche de positions sinon communes, du moins compatibles, pour contrer les risques de dérive présidentialiste de la Commission BALLADUR/LANG. La conversation a été courte : une petit heure au plus. Il n’y a pas eu de conférence de presse partagée –même si bien sûr des images ont été prises. Néanmoins, cette rencontre n’est pas sans importance. Pourquoi ?

D’abord, elle prend acte d’une réalité. Le Centre, certes -le MODEM plutôt- n’est pas passé à gauche, les positions de François BAYROU sur les grands sujets économiques et sociaux ne rejoignent pas celles des socialistes, et la photo ne vaut pas changement de stratégie. Mais elle n’est certes pas dénuée de signification. Le MODEM convient qu’il y a, avec les socialistes, des questions dont il faut débattre –si limitées soient-elles. C’est, au demeurant, François BAYROU qui a été à l’initiative de cet entretien. Les socialistes reconnaissent que -sur le problème de la démocratie au moins- le MODEM n’est plus à droite, que BAYROU peut être un acteur de l’opposition à l’omniprésence sarkozienne. La glace est donc rompue. Il y a, enfin, un fait supplémentaire : ce rendez-vous semble avoir produit des résultats, en tout cas des refus communs -de l’hyper présidentialisme en général –et aussi des affirmations- la volonté d’introduire une dose de proportionnelle dans les modes de scrutin, d’accroître les pouvoirs du Parlement, d’aller vers le non-cumul des mandats. Bref, selon la formule de François HOLLANDE, renversant celle d’Edgar FAURE -j’ai toujours pensé que ces deux hommes se seraient bien entendus s’ils avaient été contemporains- il y a bien eu recherche d’une « minorité d’idées ». Sans le dire, un tabou a été levé.

Est-ce pour autant le premier pas vers un changement d’alliance ? Je ne le crois pas. Car la distance reste encore très grande entre les deux partis. François BAYROU est toujours attaché à son obsession présidentielle, qui suppose l’affaiblissement conjoint de SARKOZY et du PS. Il oscille entre le « ni droite – ni gauche » et le « et - et ». Il évite de se définir sur des questions importantes –ainsi semble-t-il prêt à défendre le gouvernement sur les régimes spéciaux- et aborde les élections municipales avec pragmatisme, voire hyper réalisme, puisqu’il refuse à priori de choisir à Paris, donne des signes à Gérard COLLOMB à Lyon, paraît pencher vers Alain JUPPÉ à Bordeaux, veut battre les socialistes à Pau. Cette approche « à la carte » peut être commode, voire nécessaire pour renforcer un parti, elle ne fonde rien. Elle rappelle à ceux qui l’oublient parfois que François BAYROU n’est pas un ange, ni l’avenir de la gauche. Le PS, de son côté, bouge peu ou plus que lentement. François HOLLANDE, avant cette poignée de mains, s’est rendu à la Fête de l’Humanité. Un « comité de riposte » au sarkozisme se met en place, un « comité de liaison de la gauche » aussi. Ce n’est pas vers le centre que nous regardons en priorité, c’est un mauvais procès –ou pour d’autre une illusion- que de le prétendre.

Alors, simple geste ou premier pas ? Difficile de dire, peut être les deux à la fois en fait. Il n’y a, à l’évidence, aucun appétit chez les uns ou chez les autres pour une alliance MODEM-PS. Les histoires sont trop différentes, les positions trop divergentes, les ambitions trop concurrentes. Quoi qu’il en dise, BAYROU est traumatisé, sinon par la présidentielle, du moins par les législatives et la désertion de ses ex-amis du « nouveau centre » : il veut bien affronter SARKOZY, il est prudent avec l’UMP. Quant au PS, c’est clair –je l’approuve et le partage- ses alliances sont à gauche, et l’unité de la gauche reste le fondement de sa stratégie. Et pourtant les choses bougent, comme je l’avais prédit, sous le poids des nécessités : omniprésence sarkozienne, faiblesse de la gauche, autonomisation relative du MODEM…  Il y a maintenant des intérêts communs à agir ensemble, une disponibilité pour se parler. C’est peu et c’est beaucoup. Tout cela valide mon approche -en tout cas ne la contredit pas. Celle-ci, contrairement à ce qui a été écrit ici et là, n’est pas un renversement d’alliances : le PS est à gauche, il doit le demeurer, et ne saurait faire l’impasse –mot à la mode- sur ses alliés traditionnels. Non, je plaide pour une démarche radicalement nouvelle, pour une coalition progressiste entre un parti de toute la gauche et un centre qui romprait avec la droite, et je propose d’en créer les conditions par un dialogue sur le fond, mettant en évidence les convergences –encore timides- et les divergences –nombreuses. La rencontre entre François et François ne s’en inspire pas, elle est ponctuelle et entourée de mille précautions symboliques, sémantiques, politiques. Et pourtant, sans que ses acteurs en aient été pleinement conscients, elle la préfigure peut être. En tout cas, je la maintiens.

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