François Chérèque : "Quand une réforme est inéluctable, il faut obtenir des contreparties"

Le syndicat SUD poursuit la grève sur certaines lignes de train et de RER, malgré l'accord des autres syndicats pour attendre la première étape de négociation. Y a-t-il une minorité plus radicale qui peut vous gêner?François Chérèque :
François Chérèque : SUD est un mouvement d'extrême gauche allié à une démarche politique. Il veut faire de ce conflit un conflit politique avec le gouvernement avec un niveau de grévistes très faible. Les autres syndicats, en particulier le plus puissant, la CGT, celui qui pèse le plus à la SNCF, choisissent une démarche raisonnable en débattant avec le ministre. On a toujours reproché aux cheminots de cogner avant d'avoir discuté. Pour une fois que l'on discute avant de décider un mouvement, il faut le noter.
Nous avons eu 75% de grévistes à la SNCF. Il faut que l'on pousse notre force. Quand on est dans un syndicat comme la CFDT, que l'on est d'accord sur l'harmonisation des régimes de retraites, il faut des conditions pour y arriver. Elles sont importantes : l'étalement de cette réforme (car il y a des conséquences sur ceux qui vont bientôt partir à la retraite); la pénibilité; le problème des primes (s'il y a de petites retraites, c'est que l'on ne considère pas les primes dans le calcul de la retraite); les polypensionnés. Ce sont des sujets fondamentaux.
La CGT, cependant, diverge de la CFDT sur l'allongement de la durée des cotisations…
François Chérèque : Il faut sauver ce régime par répartition et il faut de l'équité. Je n'ai pas entendu, à ce jour, la CGT refuser l'harmonisation des régimes à 40 ans. J'aimerais qu'ils s'expriment sur ce sujet fondamental. Cette démarche vers 40 ans se fera car le gouvernement ne reculera pas. Le travail syndical est d'obtenir des contreparties quand une réforme est inéluctable.
La commission Attali propose essentiellement pour relancer le pouvoir d'achat la libéralisation du commerce et notamment des grandes surfaces. Est-ce satisfaisant à vos yeux ?
François Chérèque : La proposition principale, c'est de ne plus avoir d'autorisation pour l'ouverture de grandes surfaces, quels que soient le lieu et la taille. On nous dit que cela va créer un million d'emplois. Dans ces entreprises, nous savons que ce sont souvent des emplois précaires, des emplois à temps partiel, souvent pour des femmes, des emplois que l'on n'arrive pas à qualifier.
Et puis, qu'en sera-t-il du commerce de proximité? Il y a un rapport du Conseil économique et social soutenu quasiment par tous les syndicats et le patronat, acceptant de la souplesse selon le type de magasin, selon les zones, zones touristiques ou autres, mais une libéralisation totale, non. Il y a un danger pour l'organisation du commerce dans notre pays et de l'emploi. Beaucoup de villes moyennes verront leurs commerces de centre-ville désertés.
La conférence des revenus et des salaires a lieu mardi 23 octobre. Quelles sont vos priorités ?
François Chérèque : La politique de l'emploi est ciblée sur le coût du travail avec des allégements de charges sur les bas salaires, d'où une concentration des bas salaires énorme. On a augmenté le nombre des smicards (17% des salariés) et on a 50% des salariés qui gagnent moins de 1480 euros par mois net. Les entreprises n'ont pas intérêt à former leurs salariés, car s'ils les forment, ils doivent les payer plus. Le processus bloque l'économie. Et donc, nous proposons qu'une partie de ces allégements de charges soit donnée aux entreprises en échange d'une évolution salariale, d'une formation et de l'investissement de la recherche pour créer des emplois qualifiés.
Les enseignants devaient lire lundi 22 octobre à leurs élèves la lettre de Guy Môquet, ce que plusieurs d'entre eux ont refusé. Qu'en pensez-vous ?
François Chérèque : Nous avons laissé les enseignants choisir. Tout en critiquant cette confusion entre communication politique et devoir de mémoire. L'Histoire est faite pour se souvenir, pour commémorer, pas pour faire de la cohésion sociale.
Propos recueillis par Raphaëlle Bacqué, Thomas Hugues et Stéphane Paoli