Oui, malgré tout, au mini traité européen, par Pierre Moscovici et Bernard Poignant

Publié le par SD32

drapeau-europeen.jpegCa y est : les Européens ont adopté, après de laborieuses tractations, le traité modificatif destiné à prendre la relève du défunt Traité constitutionnel européen. Les débats sur la ratification vont maintenant commencer, les partis politiques vont devoir prendre leurs responsabilités. Nous souhaitons que le nôtre, le Parti socialiste, prenne les siennes.

Est-ce à dire que nous approuvons sans réserve l'autosatisfaction du président de la République, Nicolas Sarkozy, qui, dès le mois de juin, avait prétendu que "l'Europe était sauvée" et que ce traité marquait un "renouveau de l'esprit européen" ? Certes pas ! Ce traité ne permet pas tous les progrès de l'Europe des citoyens que nous espérions. Où est l'esprit européen dans ce traité plein de trous et d'exemptions, dans lequel la Charte des droits fondamentaux n'est pas applicable à la Grande-Bretagne et à la Pologne ? Il n'est pas d'une formidable lisibilité - l'expression "traité simplifié" est pour le moins inappropriée.

 

L'Europe politique ne fait pas là la percée décisive que les conventionnels attendaient. Le traité ne modifie pas les statuts de la Banque centrale européenne (BCE) pour y inclure la croissance et l'emploi, ne prévoit pas le vote à la majorité qualifiée pour les questions fiscales et sociales, n'ouvre pas de nouvelles compétences énergétique ou environnementale. L'Europe économique et sociale - qui il est vrai n'était pas son objet - n'y trouve pas non plus son socle.

Alors, pourquoi les socialistes ratifieraient-ils ce traité, d'autant plus que Nicolas Sarkozy se dérobe à la ratification référendaire et choisit la voie parlementaire ? C'est pour nous une question de cohérence et de responsabilité. Ce traité, en effet, exclut ce qui avait provoqué, en 2005, le "non" proeuropéen de gauche - il ne comprend pas de troisième partie. Il inclut au contraire ce que les socialistes réclamaient - un protocole sur les services publics permettant de créer une base juridique pour une directive cadre en la matière.

Surtout, il reprend l'essentiel des dispositions institutionnelles qui figuraient dans les parties I et II du Traité constitutionnel européen : un président du Conseil européen stable, un rôle des Parlements nationaux affirmé, un président de la Commission issu du vote lors des élections européennes, un haut représentant pour les affaires étrangères, une référence à la Charte des droits fondamentaux...

Ces améliorations sont décisives si l'on veut que l'Europe élargie sorte de sa léthargie, elles marquent un important progrès par rapport au traité de Nice. Il serait incompréhensible et injustifiable de s'en passer.

Ce traité n'est pas un grand traité. Il est une avancée modeste mais significative, que nous ne devons pas refuser. Il ne s'agit pas de dire oui ou non à Nicolas Sarkozy, de céder à l'autocongratulation ou au dénigrement. Gardons-nous d'un excès d'honneur comme d'indignité. Le dithyrambe est ridicule, la caricature est hors de propos. L'Europe n'est pas sauvée, elle n'a pas de sauveur. Elle est simplement tirée de l'ornière et disposera, avec ce traité, d'un outil qui permettra la confrontation des projets politiques dans l'espace public européen, notamment à l'occasion des élections européennes de 2009.

Nous aimerions que les socialistes, plutôt que de se diviser vainement sur l'instrument institutionnel, se concentrent sur le projet d'une Europe politique, économique, sociale, environnementale, puissante dans le monde. Nous leur demandons de partir de l'Europe telle qu'elle est, et non pas de refuser les progrès de celle-ci au nom de l'Europe telle que nous la voudrions. Nous souhaitons qu'ils ne se mettent pas en marge, une fois de plus, du Parti socialiste européen.

Bref, nous pensons que la juste position de notre parti face au traité modificatif est, malgré tout, malgré les insuffisances du texte, malgré la suffisance de Nicolas Sarkozy, plutôt qu'une abstention constructive, un oui critique.


Pierre Moscovici, député (PS) du Doubs, ancien ministre des affaires européennes

Bernard Poignant, président de la délégation socialiste française au Parlement européen

Pierre Moscovici et Bernard Poignant
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