Vers la sortie.....

Publié le par SD32

MOSCO-2007.jpgAprès neuf jours de grève, la sortie du conflit se profile enfin. Les négociations ont commencé à la SNCF et à la RATP, les syndicats y trouvent des points de satisfaction – curieusement deux « préalables » à des discussions, les 40 annuités et la décote, n’en sont plus – à l’exception de Sud Rail, enfermé dans une surenchère gauchiste.

La reprise du travail n’est pas encore d’actualité, elle prendra même du temps, de lamentables sabotages abîment l’image du mouvement, mais la fin de celui-ci approche. Il est temps d’en tirer les premières leçons. J’en vois trois.

1) Cette grève était évitable. Son issue aurait en effet pu, et du, être un point de départ. De quoi s’agit-il, en effet ? La réforme s’imposera : l’harmonisation de la durée de cotisation à 40 ans sera la règle, les difficultés financières et le souci de l’équité le justifient. Mais des aménagements seront heureusement trouvés dans le cadre des entreprises – avantages salariaux, prise en compte de la pénibilité de certains métiers, différences d’espérance de vie… Il n’est pas dit, au demeurant, que dans ces conditions la réforme ne soit pas coûteuse pour les finances publiques. Il n’y aura donc ni vainqueurs, ni vaincus, même s’il y a de l’amertume partout, à commencer chez les usagers. Tout ça pour ça… : je crois vraiment qu’il eût mieux valu, enfin, accepter une vraie négociation en amont, un « Grenelle économique et social » plutôt que de laisser se dérouler ce bras de fer aux résultats attendus.

2) C’est pourquoi je crois la responsabilité de Nicolas Sarkozy et du gouvernement engagée.
Il y a eu, au sein du pouvoir, diverses lignes et diverses phases. À la tentation initiale d’une confrontation sociale victorieuse a succédé l’espoir vain de l’escamotage du conflit. Pendant celui-ci, les pouvoirs publics ont laissés souffler le chaud et le froid : timides aventures, affirmation de « préalables », appel à une dynamique de « reprise », promesse du Président de « tenir » devant les maires de France, ouverture finale de discussions sans tabou. Tout cela n’est pas très lisible, pas très rationnel, donc pas très intelligent. Ce conflit, qu’il a au départ voulu, a embarrassé Sarkozy- preuve en est qu’il s’est prudemment caché pendant l’essentiel de son déroulement. Il illustre une des faiblesses de ce Président : il ne sait jamais s’il doit être un « dur » ou un rassembleur, s’il parle à tous les Français ou à sa base de droite.

C’est la raison pour laquelle son socle de confiance se réduit, doucement mais sûrement. L’état de grâce touche à sa fin, l’ouverture a fait long feu, le soutien de Sarkozy rejoint celui de l’élection présidentielle – l’UMP et au-delà la droite. Je crois aussi que le doute s’installe petit à petit sur les qualités réelles du Chef de l’État : son dynamisme est incontestable, son énergie ne faiblit pas, mais sa vision n’apparaît pas, sa constance est faible, le chemin qu’il veut pour la France manque de rectitude. Cela illustre ma thèse : les Français ont élu, en 2007, un homme politique conservateur, doué incontestablement… mais pas forcément un homme d’État. On dit beaucoup que Sarkozy change la fonction présidentielle : sans doute, en partie, mais il  me semble surtout qu’il la façonne, provisoirement, à sa mesure, et ne suis pas sûr qu’il la grandisse.

3) En effet, ce qui me frappe six mois après l’élection, c’est le désordre semé par le sarkozisme. Désordre dans les comptes publics, plombés par le paquet fiscal. Désordre dans la rue, avec la multiplication des mouvements sociaux – cheminots, étudiants, fonctionnaires, professions de justice. Désordre dans les esprits, troublés par l’activisme désordonné du pouvoir. Les Français ont vu, dans la campagne de 2007, une opportunité, celle d’un changement d’époque, de génération aussi. Ils se sont passionnés pour cette confrontation, ont cru dans le Président élu. Je sens revenir aujourd’hui la morosité, l’inquiétude devant l’avenir, la révolte sociale de beaucoup des Français, leur déception face aux promesses non tenues, à commencer par celle du pouvoir d’achat. Ces signaux d’échec, qui révèlent aussi la crise psychologique et morale du pays, je l’avoue, m’inquiètent.

Pierre MOSCOVICI
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