Mettre fin à la spirale de la division , de la déconstruction, pour substituer à ce délabrement, une confrontation de fond

Publié le par SD32

Socialisme & Démocratie 32 reproduit ci-dessous deux textes présentés par Alain Bergounioux et Henri Weber, dimanche dernier, dans le cadre d'une réunion regroupant des responsables d'horizon divers, « cherchant à mettre fin à la spirale de la division », de la déconstruction, pour substituer à ce délabrement, une confrontation de fond. 5 ( cf  dépêche AFP  de ce jour )

Comme a tenu à le souligner Jean Christophe CAMBADELIS, cette réunion fut " un plaisir de débattre sans enjeu et un effort pour échanger sur le fond ". Et pour être plus précis , ce fut " un espace de confrontations apaisé préconisant « la réflexion avant les ambitions »" .

Tous les participants ont réaffirmé la nécessité d'être responsables dans le moment de confrontation avec la droite et de préparation des municipales.

Des groupes de travail se sont mis en place : quel Parti socialiste pour quelle gauche ? Quelle Europe pour quel monde ? Les conditions de la croissance et de la distribution des richesses, développement durable et préparation de l'avenir, l'articulation des aspirations individuelles et des protections collectives (accès aux droits) etc.

Cette initiative importante se place dans une perspective de convaincre et de rassembler



ENGAGEMENTS

undefinedAu-delà des responsabilités individuelles et collectives, la défaite présidentielle de 2007, la troisième consécutive, renvoie aux insuffisances de ce que les socialistes ont proposé aux Français, tant sur le plan des valeurs que sur le plan programmatique.


Il ne s’agit pas aujourd’hui de penser et de mettre en œuvre quelques réformes internes et de rafraîchir quelques propositions.

Nous sommes convaincus de la gravité du moment. Le contexte général de la mondialisation capitaliste, avec de nouveaux rapports de force économiques, avec les inégalités qui se renforcent, avec un nouvel équilibre des puissances, avec des défis écologiques et énergétiques, qui commandent notre avenir, pose crûment la question de ce que peut être la gauche au XXIème siècle.

Est-elle condamnée à la défensive, à osciller entre une adaptation sans principes et un repli frileux sans perspectives ? C’est une question pour toute la gauche européenne et particulièrement pour la gauche française menacée de perdre une capacité majoritaire face à une droite qui s’appuie sur l’extrême droite et veut occuper l’essentiel de l’espace politique.


Pour répondre efficacement, nous devons nous livrer à une réflexion sans concessions sur ce que doit et peut être un projet en prise avec la réalité du monde, sur ce que doit et peut être un Parti socialiste en prise avec la société, sur ce que doit et peut être une gauche française décidée à prendre ses responsabilités pour construire une alternative durable au mélange de libéralisme, d’autoritarisme, de conservatisme, de populisme qui définit le sarkozysme dans sa réalité.

Pour avancer, les socialistes doivent faire la clarté sur le sens de leur action, sur l’analyse du moment où ils sont, sur leurs grands objectifs.

LE SENS DE NOTRE ACTION

Le socialisme s’est constitué autour d’une double critique du capitalisme, ses injustices et son irrationalité. Il a voulu les combattre avec l’idée et la pratique d’une socialisation des moyens de production et d’échange. Il a historiquement emprunté deux voies, celle du communisme, qui s’est révélée une impasse, souvent tragique, celle du socialisme démocratique et qui a façonné les moins mauvaises des sociétés humaines connues dans l’histoire. L’échec de l’économie administrée, l’efficacité de l’économie de marché, ne remettent pas en cause pour autant les critiques initiales du capitalisme.

Le socialisme du XXIème siècle est toujours une exigence de justice et de raison. Justice pour les hommes, entre les peuples. Raison dans la conduite des affaires humaines, pour mettre en œuvre un modèle de développement qui préserve la planète. De là découle, nos valeurs clefs, l’égalité le plus possible, ce qui va au-delà de l’égalité des chances, les libertés sans lesquelles il n’y a pas de dignité humaine, la fraternité, autrement dit la coopération entre les hommes, l’épanouissement de la personne, la démocratie indissolublement finalité et moyen.

Tirer les enseignements du siècle passé conduit à une vision simple : le socialisme est fondamentalement une théorie et une pratique de la citoyenneté, c’est l’idée que les femmes et les hommes agissant ensemble peuvent influer sur l’évolution de leur société et du monde. Cela suppose des institutions politiques et des règles qui le permettent effectivement. Cela demande des conditions sociales qui assurent une sécurité de vie pour n’exclure personne du choix politique.

LE MOMENT

Il est dominé par les réalités de la mondialisation du capitalisme et ses effets, la dérégulation et la privatisation, la dévaluation des biens et des services publics. Le libéralisme dominant ne peut créer la cohésion, la confiance, la moralité sans lesquelles il n’y a pas de société. L’exclusivité donnée au seul intérêt privé affaiblit la démocratie.

Nous aurions tort de penser que la relation entre le capitalisme et la démocratie est une donnée acquise. À un moment où les peurs s’affichent dans notre société et dans le monde, la peur de l’autre, la peur de perdre son emploi, la peur d’être exclu, à un moment où les risques de voir s’élever des « murs » et des « barrières », économiques, sociales, culturelles, politiques s’accroissent, où les inégalités dans chaque société et entre les pays augmentent, il est nécessaire de réaffirmer l’autorité légitime de l’État démocratique pour défendre des services universels et la réduction des injustices.


Le débat entre socialistes n’est plus de savoir s’il faut reconnaître ou non l’économie de marché –c’est la leçon du siècle passé- mais il doit être de savoir ce que doivent être aujourd’hui les outils pour une puissance publique efficace aux niveaux national, européen et mondial. Notre opinion est faite sur les insuffisances de l’économie de marché et sur les régulations qu’elle appelle, aujourd’hui, il faut mettre en évidence ce que sont les manques et les problèmes de la puissance publique pour la rénover. Il y a bien d’autres questions à envisager, mais cette question est essentielle et détermine nos grands objectifs.

NOS OBJECTIFS

Trois questions principales se posent pour demain, créer de la richesse dans et par un nouveau modèle de développement, établir les conditions d’une égalité des possibles, redonner force à la France en Europe et dans le monde. Elles se conditionnent étroitement.

Nous voulons mettre l’accent aujourd’hui seulement sur quelques points clefs pour indiquer le sens de la rénovation à mener.

    1)- L’économie française souffre d’un manque de compétitivité évidente.

Les perspectives de croissance pour les prochaines années sont faibles, la balance commerciale se dégrade, la concurrence des pays émergents est pressante, y compris sur les produits à haute valeur ajoutée.

Une partie des solutions se trouve en Europe et dans le monde pour faire fonctionner un commerce équitable. Mais nous avons besoin en France et en Europe de retrouver une avance technologique. Concrètement, cela veut dire de dégager des priorités nettes pour un enseignement supérieur de qualité, qui unit une nécessaire autonomie contractuelle des universités, des réformes structurelles dans l’orientation et pour la formation des étudiants, des moyens notablement revus, publics et privés, pour une revalorisation des carrières de chercheurs, pour des relations plus étroites entre la recherche et les entreprises.

Cette priorité évidemment ne suffit pas à elle seule –même si elle est décisive pour l’avenir. Elle doit s’accompagner d’une politique industrielle attentive aux transitions difficiles pour les hommes et les territoires vers une économie de la connaissance, de la mise en œuvre d’une sécurisation effective des parcours professionnels, d’une politique  de réduction de la dette fondée sur des engagements pluriannuels.

Favoriser la croissance de l’emploi, accroître le pouvoir d’achat, lutter contre la précarité sont trois priorités inséparables.

Le SMIC ne peut pas résumer la politique salariale. Il faut changer de méthodes pour sortir les négociations de branches professionnelles de l’impasse : fixer des règles claires, avec une obligation de propositions et contre propositions écrites, prévoir un recours à une médiation, moduler les exonérations de cotisations sociales selon les résultats, mettre en place un système national de validation des acquis de l’expérience, réduire le temps partiel contraint, s’assurer de l’effectivité d’un « revenu de solidarité active», varier les indices de pouvoir d’achat, autant de voies possibles pour changer la situation.

Nous ne devons plus, enfin, séparer nos propositions pour renforcer la croissance de celles qui visent à mettre en œuvre un développement durable, partie essentielle également d’une  politique de croissance, en utilisant davantage les sources d’énergie renouvelables, en favorisant des modes de production plus économes en énergie, en aidant l’innovation technologique dans les transports et la construction.

    2)- La protection sociale est au coeur du pacte social français.

Ébranlée de différentes façons, par le vieillissement de la population et le développement de la dépendance, le coût croissant de la santé, l’individualisation des comportements, la difficulté de lutter contre les inégalités, la critique et les politiques libérales, elle doit être au centre de nos préoccupations. Nous avons su la faire évoluer avec le RMI, la CSG, la CMU.

Mais aujourd’hui, il faut prendre la mesure des changements survenus : la politique familiale assure de plus en plus une forme sociale de redistribution des revenus, avec les retraites il s’agit d’assurer un transfert de revenus sur une période longue et de faire face à un nouveau risque, la dépendance, les dépenses de santé sont de moins en moins aléatoires et nécessitent des politiques nouvelles de prévention et de réinsertion.

Nous devons passer désormais d’une protection sociale passive à une prévoyance sociale garantie par l’État. Il faut compléter la logique des « droits » par celle du contrat pour les individus, en veillant à ce que cette contractualisation soit loyale et équitable, le contrat étant lui-même validé dans une démarche collective. Réaffirmer un financement socialisé de la protection sociale doit aller de pair avec une réorientation des dépenses et un investissement accru dans la prévention.

Notre système redistributif est à repenser et à rééquilibrer pour mettre l’impôt au service de l’innovation et de la production, réduire les inégalités entre les individus et les territoires, s’abstraire de la logique de la rente. Cela suppose de maintenir le niveau des prélèvements obligatoires, de remettre en cause l’équilibre actuel entre les impôts, en favorisant la convergence de l’impôt sur le revenu et de la CSG, de modifier la répartition du bénéfice de l’impôt entre l’État et les collectivités locales, redéfinir une fiscalité du patrimoine.

    3)- La démocratie est une valeur inconditionnelle et le levier des politiques que nous voulons mener.

Il est temps de renouveler les formes mêmes de notre démocratie politique, sociale et territoriale. La pratique personnelle de Nicolas Sarkozy va renforcer les excès de la présidentialisation et le modèle d’un pouvoir omniprésent, qui à tous les avantages d’un régime présidentiel sans les contre-pouvoirs nécessaires !

Nous voulons un Parlement réellement renforcé, une justice et des médias indépendants, une limitation du cumul des mandats, un droit de vote enfin reconnu aux élections locales pour les immigrés en situation régulière.

Nous pensons que les partis politiques ont un rôle indispensable pour présenter les options en présence, éclairer les choix des citoyens, les mettre en oeuvre ensuite. Mais aujourd’hui, un système démocratique ne peut plus fonctionner sur le seul principe de la délégation.

Avec l’élévation du niveau d’information et d’éducation, nous devons favoriser l’expression régulière des citoyens. Appuyés sur les pratiques engagées depuis longtemps par  les élus locaux, nous devons étendre les mécanismes de démocratie participative. Une nouvelle social-démocratie doit s’inventer en s’appuyant sur les réseaux, les collectifs, le formidable vivier du monde associatif.


    4)- Porter des exigences de régulation au niveau mondial suppose un engagement résolu dans l’unification politique européenne.

Rechercher un intérêt commun en Europe demande de mieux articuler ce qui doit être fait au niveau national et ce qui doit l’être au niveau européen. Nous voulons une Union européenne qui puisse peser dans les négociations sur le commerce mondial et établir en son sein des formes de gouvernance économique et d’harmonisation sociale. Cette conviction nous conduit à militer pour des coopérations renforcées au sein de la zone euro, des procédures de décision simplifiées, l’affirmation de principe sociaux, des institutions plus fortes.

En réaffirmant ces finalités partagées, nous ne voulons pas ignorer que l’Union européenne a besoin d’un sens nouveau. Nous croyons nécessaire de dépasser les divergences qui ont divisé les socialistes et la gauche pour travailler à la définition d’une Europe des projets.


Alain BERGOUNIOUX



POUR UN PARTI DE TOUTE LA GAUCHE


weber.jpgNotre parti socialiste souffre et tangue.

Comme après toute grande défaite électorale, il est inaudible. Son vide de direction favorise la cacophonie. Le flou dans la volonté de s'opposer et de proposer l'empêche d'apparaître comme une force alternative et crédible à l'heure où le pouvoir fabrique en nombre ses premiers déçus. Le bal des égos à l'échelon national favorise le repli sur la gestion locale. L'obsession de la présidentielle, loin de contrebalancer l'hyper-présidence sarkozyste, aggrave ses dérives.

Les militants vivent douloureusement cette situation et tentent de faire face: engagés dans la bataille des municipales et des cantonales, ils puisent dans ce combat l'espérance d'un rebond et les raisons de persévérer.

Certes le Parti socialiste, c'est 60.000 élus locaux, animant  6200 municipalités, grâce à la mobilisation de 200.000 militants. C'est une force considérable pour changer la vie de nos concitoyens et préparer la reconquête. Encore faut-il, pour la consolider, ne pas sombrer dans l'apolitisme gestionnaire, comme jadis la SFIO, mais faire de la politique en commençant par revendiquer nos valeurs de gauche qui se confondent avec les valeurs républicaines : liberté, égalité, laïcité, internationalisme, universalisme.

En réalité, notre parti se trouve face à une grande chance historique, et aussi une grande responsabilité : pour la première fois, dans sa longue histoire, il peut devenir le parti de toute la gauche. Il y a place pour une extrême-gauche anticapitaliste qui oscillerait entre 5 et 10% des voix, tous partis confondus. Mais le PS peut à lui seul couvrir tout l'espace politique de la gauche réformiste, des altermondialistes jusqu'aux chrétiens sociaux. Le PS peut et doit devenir le parti de toute la gauche de gouvernement.

L'extrême-gauche manifeste plus de prédisposition à la scissiparité qu'au rassemblement. Elle scrute de surcroît l'avenir dans un rétroviseur. Même s'il consent à s'ériger en parti d'opposition, ce qui est loin d'être acquis, le MoDem est laminé par notre système électoral bipolaire. Quant au MoDem, c'est un parti de droite qui veut opérer un hold-up sur le centre et une partie de la gauche.

Les postures de François Bayrou ne résistent ni à l'analyse de son programme économique, social et sociétal, ni à l'attitude de la plupart de ses cadres et élus qui, à l'approche des élections, retrouvent leur camp d'origine. Le "parti central" dont rêve François Bayrou est donc condamné à demeurer un petit parti du centre. Sauf si les socialistes propulsent son Président à l'Elysée, ce à quoi rien, vraiment, ne les  oblige.

L'effondrement du marxisme et la marginalisation du PCF ont créé un vide idéologique et politique à gauche que le socialisme démocratique doit combler.

La gauche de l'échiquier politique français est vide. Notre responsabilité, c'est de l'occuper. Responsabilité à l'égard des salariés, qui aspirent à être défendus et représentés par un parti puissant. Responsabilité à l'égard de notre peuple qui a besoin d'un contrepoids au Président omnipotent et omniprésent qu'il s'est donné, d'une force cohérente qui exerce la fonction d'opposition et de contre-proposition sans laquelle il n'est pas de démocratie vivante. Responsabilité vis-à-vis de la France, qui a besoin de présenter au monde une autre image d'elle-même que celle que véhicule le chef de l'Etat, une France européenne et non pas bushiste-atlantiste, une France laïque et non pas religieuse-communautariste, une France des droits de l'homme plutôt que celle des amitiés avec les dictateurs, une France démocratique et sociale et non de la collusion des pouvoirs politique, médiatique et financier.

Pour la première fois dans notre histoire, nous pouvons mettre fin à cette peu glorieuse exception française : être un parti qui regroupe en moyenne 25% de l'électorat -souvent beaucoup moins, parfois un peu plus- et devenir un parti qui rassemble par ses propres forces 35% des électeurs, comme le font la plupart de nos homologues européens.

Pour atteindre cet objectif, le Parti socialiste doit assumer une véritable mutation.

Il ne doit pas se résigner à devenir un parti d'élus entourés de leurs collaborateurs et de leurs assistants. Les dernières élections présidentielles ont montré, à ceux qui en doutaient encore, que rien ne remplace un dense réseau de militants, implantés sur tout le territoire et actifs dans les grandes associations.

1. Le PS doit pleinement assumer toutes les fonctions qui incombent au parti leader de la gauche.

Fonction intellectuelle : le nouveau PS doit s'investir mieux que nous ne le faisons aujourd'hui dans le travail d'élaboration théorique, en liaison avec les intellectuels et les scientifiques, afin de proposer aux Français une vision du monde, une représentation de la société dans laquelle ils vivent, de ses futurs possibles, de son avenir souhaitable. Les peuples ont besoin de repères, d'une grille de lecture de leur réalité, d'un "grand récit". La démagogie, l'immobilisme, la nostalgie sont toujours la conséquence de l'absence de perspectives crédibles portées par une force responsable. Le parti de toute le Gauche doit être un éclaireur de l'avenir, un porteur d'intelligibilité.

Le PS doit mener mieux qu'il ne le fait habituellement  la lutte idéologique.

Là aussi, la droite nous donne une leçon : elle nous rappelle que les batailles politiques se gagnent ou se perdent d'abord dans les têtes, sur le terrain des valeurs et des idées. La victoire de Sarkozy, précédée par un travail en profondeur de l'UMP, a montré que la lutte idéologique est un vrai combat, qui s'organise dans la durée et exige des instruments, une stratégie, des savoir-faire. Notre amateurisme en la matière a permis à la droite de faire souvent prévaloir son interprétation conservatrice-libérale de la crise française "-trop d'impôts, trop de droits, trop d'Etat".

Fonction programmatique : le PS doit s'interdire de botter en touche, comme il l'a fait trop souvent sur les questions qui divisent son électorat. La modernisation démocratique de la société qu'il préconise, diffère de la modernisation libérale-autoritaire, que conduit Nicolas Sarkozy : la seconde fait peser principalement sur les individus les coûts du changement, la première considère que c'est à la collectivité nationale (et européenne) qu'il revient de les assumer.

Ce qui implique un haut niveau de redistribution sociale, une politique active de l'emploi, des services publics diversifiés et de qualité. Les objectifs du socialisme démocratique -plein emploi, protection des individus contre tous les risques sociaux, augmentation régulière du pouvoir d'achat, démocratie sociale et participative, accès du plus grand nombre à l'Education et à la Culture, qualité de la vie...- ne sont plus accessibles par les voies et les moyens classiques de la social-démocratie. Le programme socialiste doit définir les moyens nouveaux qui permettront d'approcher ces objectifs dans les conditions d'un capitalisme mondialisé et dominé par la finance.

Fonction électorale : le nouveau Parti socialiste doit garder la maîtrise de la désignation de ses candidats aux divers mandats électifs, selon ses critères politiques propres -fiabilité, implantation, parité, représentativité... Il ne doit pas se laisser dicter ses choix par les sondages et les médias... Ce qui suppose de mieux associer nos électeurs à nos débats et à nos désignations.

Fonction organisationnelle, enfin : le Parti socialiste doit étoffer, rajeunir, féminiser, diversifier son corps militant; resserrer ses liens avec les syndicats, les intellectuels et les grandes associations progressistes; retrouver une audience sur les lieux de travail et auprès  des salariés ; associer ses sympathisants à ses débats et à ses mobilisations. Il doit acquérir la maîtrise des moyens de communication modernes (à commencer par l'Internet et l'Intranet), ce qui est loin d'être le cas - malgré les progrès enregistrés récemment-, mettre l'accent sur la formation de ses adhérents; se doter d'un véritable département de la communication, capable de riposter au pilonnage médiatique de la droite et de son vibrionnant président.

2. La reconstruction à laquelle nous devons travailler s'exerce à tous les étages : au niveau des idées, du programme, de l'organisation, des pratiques militantes.

S'agissant des idées, le problème n'est pas de savoir si le nouveau PS est "pour ou contre l'économie de marché", comme beaucoup feignent encore de le croire, mais pour  quel  type d'économie de marché il est. Nous devons inventer  un nouveau modèle français sans chercher à dupliquer l'approche scandinave et encore moins à copier-coller le modèle anglo-saxon.

Quelles sont les composantes du modèle que nous cherchons à construire ? Nous voulons une économie solidaire, régulée  à tous les niveaux par la puissance publique (local, national, européen, mondial) et fondée sur le dialogue avec des partenaires renforcés et respectés. Nous voulons maîtriser et humaniser le nouveau capitalisme, ce qui implique notamment de réussir notre passage à l'économie des services et de la connaissance.

Nous voulons concilier la croissance et la préservation de l'écosystème, garantir les salariés contre tous les risques sociaux (chômage, travail précaire, dépendance liée au quatrième âge, retour de la pauvreté en fin de vie). Nous voulons assurer l'égalité des territoires et entre les individus à l'heure où certains bénéficient de la mondialisation et d'autres décrochent. Ces objectifs sont notre identité. Ils nous rassemblent, comme nous rassemble aussi la claire conscience que personne ne dispose à lui seul de l'ensemble des solutions pour les atteindre. C'est bien cette mise en commun qui fait tout le sens de notre démarche.

Tous les partis socialistes européens travaillent à ces questions et à bien d'autres encore concernant la réorganisation de notre démocratie et le rayonnement de notre civilisation.

Les réponses prennent corps : elles ont pour noms l"Etat social préventif", la "sécurisation des parcours professionnels", la "flexsécurité", l'"Europe puissance et protectrice", la "démocratie sociale et participative", l'amélioration de la "gouvernance mondiale", la mondialisation solidaire et maîtrisée. Autant de têtes de chapitres que nous allons développer ensemble et que nous proposons à tous les socialistes.

S'agissant du programme, le PS doit tenir davantage compte des  nouvelles conditions historiques de son action : la nouvelle division internationale du travail, le vieillissement de la population, les mouvements migratoires, le réchauffement de la planète, les effets désormais désagrégateurs de l'individualisation sur nos sociétés. On ne peut se contenter de conserver les politiques des années 80 et 90, en augmentant simplement les moyens qui leur sont alloués.

Nous savons que pour reconquérir le plein emploi, il faut mieux spécialiser notre économie, la redéployer vers les industries de pointe et les services à haute valeur ajoutée; l'orienter vers les grands marchés de l'Asie de l'Amérique latine, mais aussi de l'Afrique, éduquer et mieux former notre jeunesse et notre force de travail, mieux financer et organiser notre Recherche.

Cette modernisation implique la mobilisation des entrepreneurs et des actionnaires, mais elle exige avant tout une meilleure répartition des risques et des richesses entre le capital et le salariat. Les salariés ne doivent pas être les seuls à payer le coût des adaptations nécessaires. C'est à la collectivité nationale et européenne qu'il appartient d'en mutualiser la charge. Nous devons inventer des nouvelles formes de sécurité sociale, de redistribution des richesses, de services publics. Nous devons promouvoir un nouveau Pacte républicain pour le progrès économique, social, culturel, démocratique de nos pays.

S'agissant de l'organisation : le PS doit se fixer pour objectif la construction du grand parti réformiste moderne dont la Gauche et la France ont besoin : un Parti qui rassemblerait à lui seul au moins 35% des électeurs. Il est évident que la condition sine qua non de ce grand parti de la gauche, c'est le respect de la pluralité et de la diversité, donc de la proportionnelle. C'est notre histoire socialiste, c'est notre différence avec la droite bonapartiste et plébiscitaire, c'est notre passion du débat d'idées et de l'échange des arguments. Ce nouveau parti socialiste doit  tenir compte, pour en freiner les dérives et en réorienter le sens, du nouvel âge de la démocratie dans lequel nous sommes entrés : démocratie médiatique et sondagière, mais aussi présidentielle, individualiste et sceptique.

Le PS doit se doter des moyens humains de conduire une véritable stratégie de communication comme sont parvenus à le faire beaucoup de ses homologues européens.

Il doit associer les sympathisants et les électeurs de gauche à la désignation de son ou de sa candidat(e) à la présidentielle, sans renoncer à son rôle spécifique qui est d'éclairer les électeurs dans leur choix. Il doit pour cela organiser des "primaires", dix-huit mois au moins avant l'échéance électorale. Les électeurs de gauche désireux de participer à ce grand choix viendraient s'inscrire sur des listes, aux sièges du Parti, moyennant une contribution de quelques euros.

Les candidats socialistes à la présidentielle viendraient s'exprimer et débattre devant les assemblées de ces électeurs afin que ceux-ci puissent choisir en connaissance de cause, grâce à de vrais débats, la personne la plus apte à porter nos valeurs, à expliquer nos propositions, à battre la droite sarkozyste. Nous avons besoin d'un parti beaucoup plus proche de son électorat qui donne à ses militants un rôle d'animation nouveau.

Le prochain congrès du PS doit être consacré à notre stratégie de reconstruction. La désignation de notre candidat(e) à l'élection présidentielle doit intervenir en 2010, selon les modalités exprimées ci-dessus, qu'il faudra affiner  et préciser.

La réflexion avant les ambitions, le collectif avant notre champion, voilà notre volonté commune.

Henri WEBER






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