Opinion et participation

Pour Rémi Lefebvre, cette référence n’a jamais été très claire : l’appel de la candidate socialiste à introduire davantage de participation dans notre démocratie ne s’est jamais dépris d’une certaine confusion entre démocratie participative et démocratie d’opinion.
La candidature et la campagne électorale de Ségolène Royal ont constitué de véritables « analyseurs » des transformations de la démocratie représentative et des résistances dont elles font l’objet. L’émergence de cette candidate inattendue, dépourvue de ressources partisanes, traduit la prégnance des logiques d’opinion, l’avènement de la « démocratie du public » mais aussi ses limites.
Ce sont les médias plus que les partis qui sélectionnent désormais les candidats sur la base de leur « popularité » mesurée dans les sondages, comme la candidature de Ségolène Royal semble le démontrer. La candidate a court-circuité le PS pour construire une relation personnelle avec l’opinion. Le phénomène « Royal » témoigne aussi de la fortune actuelle de « la démocratie participative », des ambiguïtés qui fondent son succès mais aussi des oppositions auxquelles cette notion se heurte.
Le « Royalisme », qui a fait l’objet déjà d’innombrables exégèses, peut s’analyser comme une tentative de redéfinir symboliquement les relations entre représentants et représentés. Partant du diagnostic fondateur du discrédit du personnel et de la parole politiques, Ségolène Royal a très largement construit son offre politique, lors de la dernière campagne présidentielle, sur la relation qu’elle a instaurée « personnellement » avec les Français, sur son identité construite comme distinctive (inflation du « je » dans ses énonciations, mise en scène permanente de sa « liberté ») et sur une nouvelle manière de « faire de la politique » associant les citoyens « ordinaires ». Ce style censé restaurer la confiance a quasiment tenu lieu de projet.
La candidate socialiste à l’élection présidentielle est un pur produit des nouvelles élites socialistes qui émergent au PS avec la prise de pouvoir dans les années 1980. Malgré ce profil standard, elle est parvenue à styliser une identité distinctive qui la fait apparaître comme une candidate extérieure à l’establishment socialiste. Quand elle est encore au plus haut niveau dans les sondages, on lui fait crédit de bousculer les pesanteurs idéologiques, de faire bouger les lignes, de transgresser les interdits et le « politiquement correct ».
Son « parler vrai », ses modes d’expression et sa simplicité subvertissent les codes des professionnels de la politique dans un univers politique perçu comme sclérosé. Elle a su distiller ses prises de parole pour occuper continûment l’agenda médiatique, lancer des débats autour de ses propositions hétérodoxes (encadrement militaire des délinquants, jurys citoyens…) démontrant, en s’appuyant sur les sondages, une capacité à « trianguler » des thèmes inscrits au patrimoine idéologique de la droite pour les acclimater à gauche (la sécurité, la famille, l’« ordre »…).
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Source la vie des idées