Dominique Strauss-Kahn : une approche globale pour faire baisser le prix des denrées alimentaires

Publié le par SD32

Le haut niveau du prix des denrées alimentaires est un enjeu humanitaire grave. Il est également vecteur d’instabilité macroéconomique qui touche les budgets, les balances commerciales et bien sûr les revenus dans la plupart des régions du monde.

Le prix du riz a augmenté de plus de 50 % depuis le début de l’année et la plupart des prix des autres denrées augmentent fortement. Alors que l’on assiste à un ralentissement de l’économie, les prix augmentent, ce qui est le contraire de ce à quoi on devrait s’attendre. Cela reflète en partie la forte demande en provenance des marchés émergents, mais la tourmente financière a aussi augmenté l’attractivité des denrées alimentaires comme classes d’actifs.

Les experts s’attendent à ce qu’à court terme, les prix (notamment ceux du pétrole de la nourriture) augmen-tent encore plus. Le résultat devrait avoir un effet dévastateur pour les plus pauvres qui consacrent souvent la moitié de leurs revenus à l’achat de nourriture.

Nous ne devons pas rester sans rien faire. Si nous n’agissons pas dès à présent, le monde sera entraîné dans une spirale infernale de restriction des échanges, d’augmentation des prix de produits de première nécessité et de famine. Le programme alimentaire mondial a un besoin urgent de fonds supplémentaires et le soutien à ses initiatives, bien menées, pour nourrir les pauvres est un devoir moral impératif.

Bien que l’aide soit un premier pas, nous devons être plus ambitieux dans le combat pour faire relever les défis de la disponibilité des ressources alimentaires sur le long terme. Beaucoup de fermiers n’augmentent pas leur production parce qu’ils ne sont pas équipés pour ou parce que les logiques du marché ne les rendent pas gagnants quand les prix augmentent. Aussi, attendre que le marché se corrige de lui-même n’est pas une solution satisfaisante.

Nous ne devons pas perdre de vue les solutions sur le long terme. Cela signifie une démarche politique plus globale. Les politiques agricoles doivent changer. La hausse des prix des denrées alimentaires de ces dernières années est, en partie, le reflet de politiques bien intentionnées, mais mal conduites des économies avancées qui tentaient de stimuler les biocarburants faits à partir de produits alimentaires, à l’aide de subventions et de mesures protectionnistes. Cette hausse des prix reflète également une politique de prix dans l’agriculture qui est imprudente dans certains pays en développement. Et cela aussi a besoin d’être amélioré.

Personne ne devrait oublier que tous les pays dépendent du commerce ouvert pour nourrir leurs populations. Pourtant, nous cherchons toujours à agir au niveau national, par exemple en tentant de jouer sur les exportations, ce qui a un impact global désastreux. Si on achevait le cycle de Doha, cela serait d’une grande aide car cela réduirait les barrières douanières et les distorsions, surtout, cela encouragerait le commerce agricole.

LE FMI et la Banque mondiale participent à des discussions pour la stimulation économique aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Les agences multilatérales développent des prêts destinés au secteur agricole des pays pauvres et de ceux à revenus moyens pour encourager et soutenir de bonnes politiques. Mais là, il faut en faire plus et la nouvelle donne pour une politique alimentaire mondiale de la Banque mondiale est un pas en avant important.

Nous avons besoin, également, d’une nouvelle approche de réduction des risques et d’assurance au niveau aussi bien des agriculteurs que des États. D’importants progrès ont été réalisés dans ce sens par des donateurs au regard des risques catastrophiques ainsi que pour le développement de marchés à venir. Tout cela peut grandement aider à convaincre les agriculteurs que s’ils investissent, ils en recueilleront les bénéfices.

Nous devrions adopter une philosophie similaire pour appréhender les chocs, comme par exemple ceux causés par les prix de l’énergie ou de l’alimentation au niveau macroéconomique. Les Etats ont besoin d’être rassurés sur le fait que les garanties liées aux financements arrivent au moment où ils en ont besoin. Le FMI jouera son rôle dans ce sens.

Pour les pays qui sont touchés par la crise du marché alimentaire, le FMI est prêt à fournir un soutien financier rapide pour répondre aux besoins de stabilisation des balances de paiements. Et nous sommes aussi disponibles pour revoir nos facilités de prêt pour qu’elles soient appropriées à ce type de problème.

Nous avons une responsabilité morale à mettre de la nourriture entre les mains des pauvres. Le monde peut le garantir et la coopération internationale peut aboutir à fournir le cadre de travail macroéconomique et la motivation nécessaire pour construire des solutions durables au problème.

Dominique Strauss-Kahn
Tribune publiée dans le Financial Times
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