Un changement de paradigme au FMI

Depuis des années, DSK considère qu’il est possible de réguler la mondialisation. Lors de sa campagne devant promouvoir sa candidature, Dominique Strauss-Kahn a dégagé trois grands axes de réforme dans la droite ligne des propositions de notre Parti concernant une refonte des institutions financières internationales.
En premier lieu, Dominique Strauss-Kahn souhaitait s’attaquer à la réforme de la gouvernance du fonds en rééquilibrant la représentativité des pays membres par une ré-allocation des quotes-parts et par la création d’un double collège.
L’autre axe concernait le recentrage du fonds sur ses missions premières d’intervention sur les politiques monétaires et les mécanismes de contrôle des marchés financiers.
Enfin, Dominique Strauss-Kahn voulait ouvrir un nouveau chantier concernant les politiques de développement des pays du Sud. Partant du principe que les crises potentielles liées aux déséquilibres de développement impactaient sur l’ensemble de l’économie mondiale, DSK ne désirait pas cantonner le FMI dans son rôle de père fouettard des économies du Sud.
1. Construire une nouvelle gouvernance
Début avril 2008, le nouveau directeur général du FMI a pu annoncer une première réforme de la représentativité des pays membres. L’enjeu était de taille, sans cet effort le risque était de voir l’institution tomber dans l’obsolescence du fait d’une perte d’implication des grands pays émergents (Inde, Chine, Brésil, Mexique, Afrique du Sud), nouveau créditeur du fonds et pourtant toujours sous-représentés au niveau des quotes-parts.Un transfert de droits de vote significatif a été opéré au bénéfice des pays du Sud.. Cette réforme est la première phase d’un rééquilibrage plus important devant déplacer de 10 points à terme les quotes-parts des pays industrialisés vers les pays en développement. C’est un premier pas vers une démocratisation des prises de décisions du fonds au profit des pays en développement, mais il reste du chemin à parcourir. La question des quotes-parts ne pourra suffire à rendre la gouvernance du fond plus représentative. L’idée de « double majorité » avancée par Dominique Strauss-Kahn a été rejetée par une majorité de pays membres car elle favorisait certes certains grands pays émergents, mais aussi, paradoxalement les Etats-Unis.
L’autre objectif de DSK est de réduire le nombre des membres du Conseil d’administration pour mécaniquement contraindre l’influence des pays développés. Là encore, des réticences se sont exprimées. Pour autant, DSK préfère mettre en avant l’aspect dynamique de ce premier compromis. Reste à savoir si le rythme de ces évolutions influera sur les politiques effectives du fonds. Dans ce contexte, seul un triplement des droits de base pour les pays les plus pauvres permettra le rétablissement d’un meilleur équilibre.
2. Réguler les marchés financiers mondiaux
Tous les observateurs ont pu constater une évolution notable du discours émanant du FMI ces dernières semaines.
Avait-on déjà entendu un directeur général du fonds constater la menace pour l’équilibre géostratégique mondiale des émeutes de la faim ou prôner, non pas les coupes sombres dans les budgets des pays en développement, mais, au contraire la promotion des politiques publiques en faveur de l’éducation, de l’environnement ou de la parité homme-femme ?
Avait-on déjà entendu un directeur du fonds affirmer le besoin d’une intervention publique forte dans la crise du crédit et la nécessité « de préparer des politiques de relance » dans les pays entrant en récession ?
Ce retournement idéologique n’est pas seulement dû au contexte de crise mondiale, il est le signe avéré d’un tournant dans l’histoire du fonds monétaire. Pour la première fois depuis le début de la « révolution néo-libérale », un directeur d’une institution financière internationale prône la régulation, le respect des objectifs du millénaire pour le développement, des politiques de contrôle des marchés, une intervention publique et une relance mondiale contra-cyclique.
3. Faire du FMI une banque du développement
Face à la colère des populations luttant contre la vie chère dans les pays du Sud, DSK a mis en avant la possibilité de subventionner les prix des denrées de première nécessité. Là encore, nous sommes à front renversé quant à la culture du FMI qui, au contraire, a toujours soutenu les cultures d’exportation sur le libre marché au détriment des productions de subsistance.
Aujourd’hui, la question des famines ne vient pas de la raréfaction des capacités productives, mais de l’utilisation des surfaces agricoles et des denrées produites dont la manne ne profite pas aux populations. L’inversion des logiques de subventions est au coeur du cycle de Doha de l’OMC. Il serait légitime que pendant un certain temps des économies en développement puissent préserver leurs industries naissantes pour permettre à tous de profiter à long terme de l’expansion des échanges.
Sachant que le soutien transitoire aux prix va entraîner un déséquilibre de la balance des paiements des pays pauvres, DSK vient de proposer de faire évoluer les critères de prêt du fonds pour soutenir les budgets publics des pays en proie à la crise alimentaire.
Par ailleurs, pour que cette inflexion, dans les termes de l’échange, portée par DSK prenne tout son sens, le FMI doit devenir une véritable banque de décaissement au service des multilatérales onusiennes œuvrant au développement. Le fait d’abonder très rapidement le Programme alimentaire mondial et de créer un fonds de 500 millions de dollars est déjà le signe d’un début de synergie entre les différents organismes mondiaux et le G8.
Six mois et déjà un bilan ! Le fait n’est pas anodin.
Jamais un directeur général du FMI n’a pu avancer sur autant de fronts en si peu de temps. Ce constat est du en grand partie à la légitimité du mandat de DSK auprès des pays du Sud acquise lors de sa tournée mondiale précédant sa désignation. Mais elle est aussi le reflet des effets positifs du social-réformisme appliqué à la régulation de la mondialisation, surtout en période de grand vent.
Pour autant, puisque DSK croit plus à la somme des « petits matins », plutôt qu’au seul « grand soir », rappelons qu’il reste encore beaucoup de changements à accomplir. Citons pelle mêle, la création d’un représentant unique de l’UE ou de la zone euro au conseil, un label FMI pour les prêts bilatéraux venant de pays émergents créditeurs, une intervention sonnante et trébuchante dans la crise alimentaire « dans les 100 prochains jours », la lutte contre les paradis fiscaux, la recapitalisation publique des banques de prêt ou encore la création d’un Conseil de sécurité économique et social qui imposerait des normes sociales, environnementales et financières.
Tous ces idéaux internationalistes que notre Parti et le PSE doivent continuer à promouvoir dans le débat public français et européen.
Par Rodolphe Kauffmann,
Délégué national du PS à la réforme des institutions financières internationales
Délégué national du PS à la réforme des institutions financières internationales