Michel ROCARD était l'invité de RTL ce matin

Publié le par SD32

Le Président de la République était, hier, à Ouistreham dans le Calvados pour le 8 Mai. Il a marqué une nouvelle rupture avec Jacques Chirac qui avait reconnu, pour la première fois, la responsabilité de l'Etat français dans la Déportation des Juifs. Le Président de la République disait, hier : "La France, la vraie France, la France éternelle n'était pas à Vichy". C'est l'expression du Général de Gaulle reprise ensuite par François Mitterrand. Est-ce que vous, Michel Rocard, vous partagez ce refus de la repentance de Nicolas Sarkozy ?

Ah, il ne faut pas tout mélanger. La phrase que vous venez de citer n'a rien à voir avec un refus de la repentance. C'est autre chose. C'est sûr qu'il y a une permanence de la France et c'est sûr que dès août ou septembre 1940, dès juin pour Charles de Gaulle, des gens ont dit : C'est pas possible, nous n'allons pas en rester là. La guerre n'est pas finie. Et la France ne peut pas accepter le traitement qui lui est imposé par sa défaite. Et nous entrons dans la Résistance. Dès le début, il y en a eue et ces Hommes et ces Femmes, Lucie Aubrac, Jean Cavaillès, Jean Moulin, etc. Ces hommes et ces femmes ont porté, portent toujours, l'histoire de la dignité permanente de la France et de son courage et je pense que c'est bon de le rappeler et de le réveiller parce que, Grand Dieu !, le courage ça compte dans la vie politique.

Malheureusement, c'est compatible avec le fait que le Maréchal Pétain avait reçu les pouvoirs légaux votés par l'Assemblée Nationale et qu'on ne peut pas dire que Vichy était illégal ou illégitime. Une bonne partie de la France, par couardise, s'est compromis avec l'occupant ; et puis ma foi, c'est vrai, on n'y peut rien ! Et je désapprouve tout à fait l'idée de faire de la manière dont les phrases s'ajustent et de la prise en charge de ces deux vérités. Il y a eu des Résistants dès juin 40...

La flamme olympique de l'Histoire de France a été tenue tout le long. Elle ne s'est pas éteinte en juin 40. C'est formidable, ça mérite d'être dit. Je trouve dérisoire de vouloir comparer dans le temps et rendre contradictoire les phrases qui reconnaissent l'un et l'autre.

Certaines personnalités en France et en Europe notamment, le Premier ministre et le luxembourgeois Jean Claude Junker, suggèrent que le 9 mai - ce 9 mai, jour de la Fête de l'Europe - devienne un jour férié partout dans l'Union à la place du 8 mai notamment en France, est-ce que c'est une idée que vous soutenez ?

Ah tout à fait !

Donc, on pourrait supprimer le jour férié du 8 mai ?

Bien entendu. Hier 8 mai, jour férié en France, j'étais à Bruxelles au travail parce que le Parlement européen ne chôme pas ; et vous ne pouvez pas faire avaler le 8 mai comme une fête nationale allemande, ni italienne.  Et donc, on a voté hier au Parlement européen. L'idée de passer du 8 au 9 mai, dans cet esprit-là, c'est à dire célébrer la fête de l'Europe est une très bonne idée. J'ai beaucoup d'admiration et d'amitié pour Jean-Claude Junker, savez-vous. Je le tiens pour le plus solide des hommes politiques européens actuellement. C'est dommage qu'il soit à la tête d'un petit pays dont le poids ne lui donne pas beaucoup d'influence. C'est quand même un grand monsieur.

Alors, justement à propos de l'Europe, la France présidera l'Union européenne à partir du 1er juillet. Et pour se préparer, Nicolas Sarkozy vous a invité l'autre jour à l'Elysée. Est-ce qu'il a besoin de conseil pour présider l'Union européenne ? Qu'est-ce que vous lui avez donné comme conseils ?

Je ne suis pas sûr du tout qu'il ait besoin de conseil et je fus persuadé qu'un chef d'Etat agit selon son sentiment. J'ai vu François Mitterrand faire de cette façon. Ce n'est pas de conseil qu'il s'agit.

Il faut d'abord rappeler que Nicolas Sarkozy comme beaucoup de ses prédécesseurs avaient reçu tous les anciens Premiers ministres, Juppé, Balladur, Jospin qui y était allé avant moi et moi-même, non pas pour avoir des conseils mais pour avoir des idées, pour avoir un sentiment sur leur expérience du comment ça se passe et aussi un sentiment sur qu'est-ce qu'il y a à faire maintenant ? Et est-ce qu'on a pensé à tout ? Ce n'est pas la même chose qu'un conseil.

Est-ce que Nicolas Sarkozy sera un bon Président de l'Union, selon vous ? Est-ce que son sens, son volontarisme, sa volonté de mettre beaucoup de sujets en avant en même temps, est une bonne manière de diriger l'Europe pendant six mois ?

L'Europe est une grande machinerie démocratique sans commandement. Et comme il n'y a pas de commandement, les procédures, les formes, la manière de s'écouter jouent beaucoup. D'autre part, c'est une machine lente et lourde. On ne peut pas y réussir beaucoup de chose. Et puis, troisième règle pour réussir une présidence, il ne faut pas chercher à gagner de l'intérêt national. Donc souvent la présidence est obligée de sacrifier un peu de l'intérêt national, ou du prestige national pour rallier l'accord des autres.

Ce n'est pas franchement la nature de Nicolas Sarkozy, ça ?

Non. Mais il le sait. Ca c'est clair. Et donc, je ne désespère pas que la France à Bruxelles surprenne d'abord par la connaissance de la mécanique et ensuite, par le respect de cette mécanique et ses habitudes donc, parce que l'Europe ne va pas bien et Nicolas Sarkozy apparemment le sait aussi. On verra bien. Je n'en sais rien. Je suis modérément confiant, bien entendu.

Un sondage du CSA pour "Le Parisien - Aujourd'hui en France", ce matin, indique que Ségolène Royal reste la favorite des sympathisants socialistes : 54% d'entre eux souhaitent qu'elle devienne Premier Secrétaire. Est-ce que ça vous agace ou ça vous inquiète ?

Ah, ça m'agace un peu parce que... Mais non, c'est comme ça. C'est une donnée de fait. Ce n'est pas nouveau.

Vous pensez qu'il y a un risque de crise si elle devient Premier Secrétaire du PS ?

Je ne pense pas qu'elle puisse parce que l'ensemble du parti, c'est-à-dire les membres vrais, ils ont analysé ce qui s'est passé. Nous avons quand même perdu pour la troisième fois une élection présidentielle par une marge de 6%. Tout le monde a dit : c'est 17 millions de voix. N'importe quel socialiste aurait fait 17 millions de voix, c'était le point bas.

Est-ce qu'elle a la carrure, est-ce qu'elle serait une bonne première secrétaire du PS ?

Ecoutez, je n'aime pas beaucoup les questions personnelles. Ma réponse est : je ne crois pas ; mais ce n'est pas le vrai problème. Le vrai problème c'est qu'il faudrait aider le PS, y compris dans le commentaire et la manière dont on en parle journalistiquement, à traiter son vrai problème qui est que ça fait longtemps qu'il n'a pas été capable d'annoncer un avenir possible et proposer dans des conditions vraiment claires par rapport à l'Europe, par rapport au fait que nous vivons en économie de marché et qu'on va y rester, et par rapport au fait que dans un vieux pays comme le nôtre, on n'avance pas à coups de rupture ou de coups durs, ou de coups d'éclat.

On avance doucement avec des réformes faites une par une dont la grandeur tient à la continuité. Et le PS, il faut l'aider à faire ça bien avant de s'occuper d'une présidentielle qu'on commencera à préparer en 2011, si vous le voulez bien.

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