Quand on sortira de l'incertitude

Publié le par SD32

Le 75e congrès du PS revêt déjà un caractère historique. Rarement l’incertitude aura été aussi grande quant à l’identité du futur premier secrétaire. La dernière fois que le suspense a été aussi grand, c’était quand, entre 1991 et 1994, on avait assisté à la valse des premiers secrétaires. Une durée de vie limitée et une crise du Parti profonde. Cela avait commencé au congrès de Rennes et s’était terminé au congrès de Liévin. Entre temps, le Parti socialiste avait essuyé deux lourdes défaites, encore dans les mémoires, les législatives de 1993 et les européennes de 1994.

Aujourd’hui, on ne sait pas qui succédera à François Hollande, mais on sait qu’il y a plusieurs candidats sans qu’on sache toujours d’ailleurs en quoi certains se distinguent des autres. Il est vrai que le " pourquoi pas moi " suffit à susciter des vocations de nos jours.

Ce qui est aussi important à prendre en compte dans l’analyse, ce sont les contours des majorités au PS. Depuis 1971, la majorité n’a jamais basculé. Son centre de gravité a pu bouger, elle a pu perdre une fois ce qu’elle (re)gagnait la fois d’après en termes de départs ou de soutiens de petites motions d’appoint, mais le coeur du parti, le Parti profond, reste quasiment le même.

Beaucoup de socialistes se déterminent moins en fonction de leurs convictions profondes qu’en fonction de leurs intérêts présents ou futurs. A côté de la parole de la " base " qui revendique la rénovation permanente, l’éthique, la politique autrement, il y a la réalité, parfois cynique de cadres locaux qui ne font pas le même calcul. La preuve la plus éclatante de cela c’est l’évolution des ralliements à la candidature de Ségolène Royal en 2005-2006.

Nous sommes encore loin du congrès et l’équation selon laquelle il se déroulera, n’est pas encore totalement construite. D’ailleurs, on aurait tort de se précipiter car la situation du pays va jouer. Une situation économique et sociale qui nourrit logiquement le pessimisme. Si on peut se réjouir de voir les défilés du FN diminuer, la xénophobie a percé ailleurs. Des stades de foot aux propos de fonctionnaires du gouvernement, la gauche doit s’exprimer et apporter des alternatives. D’un autre côté, la hausse des prix des denrées alimentaires, les émeutes de la faim et la pauvreté qui grandit, tout cela doit nous interpeller. Beaucoup de révolutions ont commencé par des émeutes de la faim.

Alors que la gauche non socialiste est atomisée, le Parti socialiste doit être à la hauteur. Nous sommes l’opposition aujourd’hui. Cela veut dire que nous devons travailler à des propositions pour demain.

De ce point de vue, Socialisme et démocratie est le courant qui a le plus travaillé à une rénovation idéologiquedepuis près de huit années. Des colloques d’A gauche en Europe aux journées d’études, il y avait fin 2006, lors de la primaire, une ligne politique cohérente si nettement identifiée, qu’elle fut plagiée et copieusement imitée. Seul Réformer de Martine Aubry a autant produit, dans l’indifférence générale trop souvent… Cela n’a jamais empêché la presse et donc parfois bien de nos camarades de déclarer qu’il n’y avait pas d’idées au Parti socialiste !

De fait, l’influence de nos idées s’est faite sentir. Nous n’avons donc pas échoué sur le plan idéologique. C’est même devenu un marqueur précieux que nous ne devons pas brader, quelle qu’en soit la raison. Aujourd’hui ce qu’il faut c’est faire infuser ces idées dans les pratiques. Les victoires aux élections de 2008 en Espagne et en France pour les élections locales, ne peuvent cacher une autre réalité bien plus inquiétante. La social-démocratie en Europe a perdu dix élections consécutives et les défaites municipales à Rome où c’est un ex-fasciste qui a succédé à Veltroni et à Londres annoncent un revers probable des travaillistes. C’est dire que la gauche va mal.

Pour en sortir, il ne faut pas seulement parler de rénovation il faut la faire. Soit on pense qu’il s’agit de défaites conjoncturelles et qu’il suffit d’attendre le retour du balancier, soit on pense qu’il faut présidentialiser le Parti pour le faire avancer. Ce faisant, on réaliserait là une rupture profonde dans la gauche car peut-on désormais sans y réfléchir trop longtemps subordonner toute l’activité et le calendrier du Parti à la seule perspective de l’élection présidentielle en pensant que « tout le reste suivra » ?

Pour sortir de l’incertitude et donc réussir le congrès, il faut sortir d’une logique du « coup d’après » en préparant 2008 dans l’obsession de 2012. Il faut garder un lien étroit avec l’ensemble des forces militantes du parti – il n’y a pas que les cadres et les élus qui comptent et surtout, créer les conditions d’une majorité et d’une direction cohérentes, responsables et qui travaillent car c’est seulement avec un parti reconstruit et non en friche, que l’on pourra proposer un autre chemin à la gauche et à la France.


Pierre KANUTY
Socialisme & Démocratie
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