" Si Socialisme & Démocratie n'existe pas, ses idées marchent sur l'eau"
Le congrès du PS est pour l'instant un grand classique, tout entièrement dominé par une question de leadership, même si les candidats se parent d'un discours avenant sur la rénovation.
Depuis le 3 janvier, Ségolène Royal a posé sa candidature. Elle l'agrémente d'une recherche participative au travers d'un questionnaire. Ce n'est pas mal, même si c'est un peu court.
Bertrand Delanoë est dans un tout autre registre. C'est le bon vieux texte d'appel... Un peu totalisant. C'est plutôt mieux, mais cela pose quelques questions.
Pourquoi maintenant ? Peut-on réclamer le respect des règles et les transgresser d'emblée ? Etait-il judicieux de commencer dès maintenant la chasse aux signatures, au risque de provoquer des raidissements ? Est-il sérieux de dire vouloir jouer au sein du collectif, présenté par ordre alphabétique, mais faire de Bertrand Delanoë le premier signataire « hors-sol » pour reprendre une formule du texte ?
Mais enfin, il y a un texte. Il y a des idées. Il y a l'ébauche de ce que Bertrand Delanoë et Lionel Jospin voudraient pour le Parti socialiste. C'est déjà un progrès.
Nous qui « pondons » textes sur textes depuis plus de 8 mois, nous nous sentons un peu moins seuls ! Nous avons aussi la joie de retrouver nombre de nos formules et idées dans ce texte. Comme quoi si « Socialisme & Démocratie » n'existe pas, ses idées marchent sur l'eau.
En effet, ce texte emprunte beaucoup aux débats collectifs du parti. Alors au niveau du constat nous nous retrouvons. Encore que, l'absence de référence à l'éclatement de la sociologie française qui était présente dans la convention sur l'état de la France, démontre que le présupposé « classiste » est toujours là.
Ce n'est pas essentiel même si c'est signifiant. Le reste ne pose pas de problème : la France n'a plus de modèle ni de repère. Elle est en quête d'un nouvel espoir. Elle s'affaiblit dans le monde. « L'économie de la connaissance et le développement durable » est une nécessité. Comme l'est aussi un état prévoyant. Il faut repenser nos valeurs. Jusque-là tout va bien. Il en va de même sur les alliances : commencer par nous ne pas se subordonner aux autres. Une discrète critique de l'alliance avec le Modem que tous les signataires n'ont pas dû lire. Bref, une orthodoxie impeccable agrémentée du « best of » des meilleures idées en cours.
Il reste quand même trois désaccords et quatre manques qui ne sont pas sans poser souci.
D'abord la nature de la crise du Ps. Si on comprend le texte, la défaite de 2007 est un accident de parcours. On comprend que la faute en incombe principalement à Ségolène Royal, ce qui est possible, probable mais est-ce suffisant ? Pourquoi ce refus d'aborder la défaite de 2002 ? On nous répond que ce sera fait dans un prochain ouvrage. Très bien, mais autant partir de là. Pourquoi ce refus de situer les échecs du PS dans la crise de la sociale démocratie Européenne. Notre démarche va au-delà d'une critique sourcilleuse. Ne pas prendre en compte ces deux phénomènes c'est d'emblée restreindre l'ampleur de la rénovation à produire. C'est réduire celle-ci à une remise en ordre, remise en forme, plutôt qu'une reformulation pour un nouveau cycle politique qui dépasse le seul socialisme français. Il ne faut pas exclure ce qui relève strictement du PS, mais ne pas réduire nos taches au retour à la morne d'hier.
Le deuxième problème est à propos du parti de toute la gauche. Là on ne peut pas dire que ce soit l'enthousiasme. « Sans doute l'idée neuve » mais ici encore pour les rédacteurs, la tache de l'heure c'est principalement la restauration du Parti socialiste.
Le souci est que l'on ne peut pas penser la restauration indépendamment de la perspective. Sinon notre vision stratégique est l'hégémonie : laissez venir à nous les faibles... Et un brin paternaliste réduisant la nouvelle alliance à l'octroi de quelques postes. Il faut au contraire en faire l'axe stratégique, se donner les moyens et se rénover pour ce but.
Le troisième problème est bien sûr la question du premier secrétaire. Non sur le nom, le texte n'en avance pas. Mais la démarche est censées faire sens. À propos de la présidentialisation du PS, le texte canonne. « Le 1er secrétaire n'a pas à être prédéterminé ni dans un sens ni dans l'autre, par le choix qui sera à faire dans trois ans ». Ce qui s'appelle se laisser tout ouvert ! Éluder c'est tout de même y penser ! La preuve il y a un manque bien signifiant.
Pas un mot sur les primaires ni pour les adouber, ni pour les critiquer. On ne nous empêchera pas de penser que le retour à l'orthodoxie en ce domaine a un but... C'est le 1er secrétaire qui logiquement sera candidat. C'est une thèse, elle a sa force, autant l'assumer. Ce n'est pas la nôtre. Les primaires sont nécessaires tout à la fois comme stratégie de l'union et comme légitimation de notre champion.
Pas un mot non plus sur les institutions, le débat du moment est pourtant fondateur. C'est un peu étonnant surtout lorsque l'on veut mettre l'avenir sous la bannière du choix.
On nous permettra de dire que l'absence de perspective sur le PS lui-même : adhérents, structures, « gouvernance », place des élus nous laisse sur notre faim...
Comme le texte nous demande de ne pas avoir peur de nos différences, nous avons pris la liberté de les exprimer. Nous continuerons le débat avec le texte « Delanoë - Jospin » dans le but de déboucher sur une nouvelle donne au PS. Nous le ferons aussi lorsque Ségolène Royal ou d'autres s'exprimeront. Si on veut éviter un nouveau « congrès de Rennes ». Il faut bien que certains prennent les idées au sérieux...
Jean Christophe Cambadélis