Etat-collectivités locales, sortons de la défiance, par Michel Destot

Publié le par SD32

Le chef de l'Etat a donné pour mission au gouvernement de parvenir à l'équilibre des comptes publics en 2012. Il a indiqué son intention de limiter l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités locales à la norme qu'il fixe lui-même pour ses propres dépenses, le "zéro volume", c'est-à-dire une croissance limitée à l'inflation.

Au cours des dernières semaines, les collectivités locales ont été régulièrement mises à l'index, le ministre du budget leur imputant le dérapage du déficit public en 2008 ou stigmatisant l'évolution de leurs dépenses. La Conférence nationale des finances publiques sera sans doute l'occasion pour l'Etat de réaffirmer ses positions. Il est donc urgent de rétablir la vérité et de poser le véritable débat, qui est celui du niveau du service public.

Les collectivités locales sont dans une situation financière saine. Le terme générique de déficit désigne le fait que les administrations publiques ont dû recourir à l'emprunt pour financer les dépenses d'un exercice. Mais il y a déficit et déficit. Le déficit de l'Etat s'élève à 39,2 milliards d'euros en 2007, pour seulement 13 milliards de dépenses d'équipement. Alors que celui des collectivités locales s'élève à 7,2 milliards d'euros en 2007, pour 40 milliards de dépenses d'équipement.

Autrement dit, l'Etat emprunte pour financer des charges de gestion courante, ce que la loi interdit aux collectivités locales. En 2007, elles ont dégagé un excédent de fonctionnement représentant 17 % de leurs recettes courantes, leur permettant d'autofinancer plus de 50 % de leurs dépenses d'investissement. La dette des collectivités locales est corrélée à des dépenses patrimoniales qu'il est de bonne gestion de financer en partie par l'emprunt, afin d'en mutualiser la charge entre plusieurs générations de contribuables.

Ce n'est donc pas la dette des collectivités locales qui hypothèque l'avenir des générations futures, mais le risque qu'elles ne soient plus en mesure de maintenir et d'améliorer le patrimoine collectif. Car il s'agit bien de la rénovation et la construction des écoles, des collèges, des lycées, la création de structures d'accueil de petite enfance, d'équipements culturels, sportifs et de loisirs, l'entretien et la modernisation des voiries...

Les "concours d'Etat" aux collectivités (72,5 milliards d'euros en 2008) sont constitués en majeure partie de remboursements résultant du démantèlement de la fiscalité locale. Depuis trente ans, les impôts locaux ont été, en effet, progressivement remplacés par des impôts nationaux reversés sous forme de dotations que l'Etat utilise ensuite pour financer la péréquation entre collectivités locales mais aussi, aujourd'hui, pour ajuster son propre budget.

Les pistes de réforme de la fiscalité locale qui semblent à l'étude au niveau de l'Etat, notamment sur la taxe professionnelle, suscitent de vives inquiétudes. S'agit-il, en contrepartie de la réduction des "concours", de redonner des marges de manœuvre aux collectivités, ou de réduire encore la ressource fiscale et en particulier celle provenant des entreprises ?

De ces quelques constats, on déduira facilement que l'objectif final poursuivi par l'Etat est la réduction des dépenses des collectivités locales. C'est d'ailleurs ce moyen qu'il a lui-même choisi pour atteindre l'équilibre budgétaire, notamment grâce aux économies escomptées de la Révision générale des politiques publiques.

DISCOURS CONTRADICTOIRE

Mais les maires n'ont pas attendu pour mettre au premier rang de leurs priorités l'efficacité de l'allocation de la ressource publique. Des marges de manœuvre existent encore : rationalisation des groupements intercommunaux, mutualisation de leurs services avec ceux des communes, rationalisation des interventions entre différents niveaux de collectivités, démarches d'évaluation des politiques publiques locales, d'amélioration de la gestion du patrimoine, etc.

Mais surtout, les économies générées seront-elles à la hauteur des enjeux ? A service public constant, elles permettront de ralentir la progression des dépenses, voire de les réduire. Mais les grandes villes ne sont pas à service public constant : elles sont les principaux acteurs de la réponse aux défis de la politique de la ville, de la protection de l'environnement, de l'économie de la connaissance, de la compétitivité des territoires... En un mot, elles sont les moteurs de la croissance durable et du "vivre ensemble".

Les grandes villes refusent de se trouver prises dans l'étau d'un discours contradictoire entre les ambitions affichées (par exemple sur le Grenelle de l'environnement) et les moyens alloués, avec l'alternative suivante : supporter face au citoyen la responsabilité des défis non relevés pour l'avenir, ou bien être mises à l'index pour la détérioration de leur situation financière.

Le véritable débat n'est donc pas celui des moyens, mais celui des finalités. La situation des finances publiques impose de définir des priorités et de faire des arbitrages clairs. Ajoutons que la réduction des ressources dévolues aux grandes villes réduirait considérablement les marges de manœuvre des élus, engagés dans une démarche de développement durable urbain afin répondre aux grands défis du XXIe siècle.

Michel DESTOT
Président de l'Association des maires des grandes villes de France (AMGVF)
Député et maire de Grenoble

Publié dans Politique

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