20e anniversaire de la libération de Nelson Mandela : quel héritage ?

Publié le par SD32

nelson-mandela.jpgL’Afrique du Sud, mais également la plupart des pays dans le monde, célèbre ce 11 février le vingtième anniversaire de la libération de Nelson Mandela après 27 ans d’emprisonnement à Robben Island. Nelson Mandela a, pour sa part, célébré mercredi cet anniversaire en invitant un de ses anciens gardiens de la prison ainsi que des proches. Le 2 fevrier, le dernier président de l’apartheid, Frederic William de Klerck, avait, quant à lui, célébré le 20e anniversaire de son fameux discours au Parlement annonçant la libération de Nelson Mandela, discours qui a conduit à une nouvelle ère de dignité, d’égalité et de droits politiques. Il avait accédé au pouvoir 5 mois auparavant alors que les townships s’enflammaient et que la marche vers la démocratie semblait impossible. Il a su composer, céder le pouvoir. Il a obtenu avec Nelson Mandela le prix Nobel en 1993. Mais que reste-t-il aujourd’hui de l’héritage de Nelson Mandela ?

Il s’agit d’une icône qui a su construire la « nation arc-en-ciel » grâce à une force de caractère, un génie politique et une humanité lui permettant de pardonner et de préférer la réconciliation à la revanche. Mandela apparaît, comme le montre le film Invictus de Clint Eastwood, invincible, celui qui durant ses 27 ans d’emprisonnement relisait le poème de Henley se terminant par « je suis le maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme ». Il a été le premier président noir de l’Afrique du Sud et, à ce titre, a quelques ressemblances avec Obama même si les Etats–Unis étaient depuis des décennies sortis de l’Apartheid. Il a comme lui obtenu le prix Nobel de la paix. Il a redonné la dignité et l’espoir aux victimes de l’Apartheid. Il n’a pas été seul évidemment mais il apparaît comme le symbole de cette transition. Sous son impulsion, l’ANC a construit les bases d’une démocratie durable avec séparation des pouvoirs et décentralisation. La constitution sud-africaine est un modèle quant à la reconnaissance des droits des l’homme.

Bien entendu, son bilan doit être nuancé. Des aspects moins positifs concernent notamment la non reconnaissance de la priorité de la lutte contre le sida. Madiba, nom familier de Mandela, était également sur le fil du rasoir entre la réponse aux légitimes aspirations des victimes de l’Apartheid et la volonté de rassurer les milieux financiers et d’éviter l’exode des compétences. Le ministre des finances, Travor Manuel, a joué la carte de la rigueur financière et du libéralisme économique par rapport à un parti, l’ANC, ayant toutes les composantes idéologiques dont une forte composante marxiste et nationaliste marquée par les luttes contre l’Apartheid. Enfin, la politique extérieure ne peut aujourd’hui faire abstraction des pays frères qui ont soutenu la lutte contre l’Apartheid, y compris aujourd’hui le Zimbabwe de Mugabe.

Aujourd’hui, l’Afrique du Sud a connu de nombreuses avancées avec une montée de la bourgeoisie noire, la construction d’une véritable démocratie, l’accès à l’eau, au logement et aux biens essentiels pour la population. Mais 40% de la population noire est toujours au chômage. La violence, notamment dans les townships, fait de l’Afrique du Sud le second pays en terme de crimes après la Colombie. Sur le plan politique, l’ANC est divisée et n’a plus la même légitimité qu’à la sortie de l’Apartheid. L’Afrique du Sud est la première puissance militaire, économique et politique d’Afrique et représente plus de 40 % de la richesse africaine. Elle va organiser la Coupe du monde de football en juin prochain. Mais les dirigeants restent partagés entre les mesures populistes préconisées par le candidat Jacob Zuma avant qu’il ne devienne chef d’Etat et la nécessité de répondre aux exigences de l’extérieur sur le plan financier et politique. D’après Monseigneur Tutu, l’Afrique du Sud serait une poudrière.

L’héritage de Mandela demeurera-t-il présent, au-delà des célébrations de sa libération, notamment auprès des jeunes générations pour lesquelles la sortie de l’Apartheid est un acquis et qui font face aux défis quotidiens de l’emploi, de la précarité et de la violence ?

Source IRIS
Philippe Hugon, directeur de recherche à l’IRIS

Publié dans International

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