La rénovation idéologique du PS se fait en marge du parti

Publié le par SD32

Un esprit caustique pourrait considérer que le renouvellement des idées et des propositions du Parti socialiste est une chose trop sérieuse pour être laissée aux socialistes eux-mêmes... Pendant que le PS se crispe sur les enjeux tactiques dictés par la préparation d'un congrès à l'issue incertaine, en novembre, on observe une réelle effervescence intellectuelle à sa périphérie.

S'activent plusieurs laboratoires d'idées, des think tanks regroupant intellectuels et jeunes dirigeants socialistes décidés à "combler le déficit programmatique et idéologique" du PS, selon l'expression de Gilles Finchelstein, secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès (FJJ).

Liée au Parti socialiste mais soucieuse de se tenir à distance de ses enjeux internes, la FJJ, présidée par Pierre Mauroy, a entamé en juillet sa "refondation" et renouvelé la moitié de son comité d'orientation scientifique. Précédemment dirigé par Dominique Strauss-Kahn, celui-ci est désormais présidé par l'économiste Daniel Cohen, et s'est enrichi de figures montantes du PS de sensibilités diverses (la députée Aurélie Filipetti ou la conseillère de Paris Seybah Dagoma).

"Quel que soit le prochain candidat socialiste à l'élection présidentielle, il aura besoin de nos réflexions", assure M. Finchelstein, lassé qu'au PS, "le renouvellement des idées soit considéré comme la cerise sur le gâteau".

La Fondation, qui estime se tenir à la bonne distance du parti - "assez éloignée pour garder son indépendance, assez proche pour être influente" -, entend se saisir en priorité des questions économiques et sociales, en s'efforçant de donner du contenu à des orientations qui, au PS, restent encore très générales.

Un premier partenariat avec le groupe socialiste à l'Assemblée nationale sera organisé sur les questions de santé, et plusieurs rencontres et publications sont prévues autour des thèmes de la réforme de l'Etat-providence et du temps de travail. "Nous devons nous projeter dans l'après-réformes Sarkozy", insiste M. Finchelstein. Il s'agit d'ores et déjà d'éclairer les choix des socialistes revenus aux affaires en 2012.

Nouvelle venue sur la scène des think tanks de gauche, la fondation Terra Nova, financée par le secteur privé, présente plusieurs points communs avec la Fondation Jean-Jaurès. Dirigée, elle aussi par un strauss-kahnien - haut fonctionnaire, Olivier Ferrand a été un proche collaborateur de M. Strauss-Kahn, tout comme Gilles Finchelstein -, cette "plate-forme au service du PS et du camp progressiste" entend elle aussi contribuer à donner une dimension concrète à l'ancrage réformiste du Parti socialiste.

"S'agissant du diagnostic, l'accord est général ; manquent encore les propositions, qui seront d'autant plus complexes à élaborer que la social-démocratie européenne traverse une crise", résume Olivier Ferrand.

Terra Nova propose ses services aux parlementaires socialistes en rédigeant des notes, ou se saisit elle-même de certains sujets. La fondation s'apprête à plancher sur l'enseignement supérieur, les composantes de la grande pauvreté, ou encore les inégalités territoriales.

Le point commun de ces deux think tanks est de se situer clairement dans la mouvance strauss-kahnienne.

Dans son livre La Flamme et la Cendre, publié en 2002 (éditions Grasset), l'ancien ministre de l'économie avait été le premier à tenter de conceptualiser ce que pourrait être le nouveau socialisme français, débarrassé de son héritage marxiste et ancré dans la mondialisation. Face à la crise de l'Etat-providence, Dominique Strauss-Kahn avait notamment théorisé la nécessité de réduire les inégalités "à la racine" plutôt que de chercher à redistribuer massivement, insistant sur des sujets comme l'éducation et la formation.

C'est dans cette direction que travaillent les différents cercles de réflexion, avec à la clé de sérieuses remises en question, par exemple sur le financement des universités : l'idée d'une implication plus forte des entreprises n'est plus un tabou.

Outre les fondations Jean-Jaurès et Terra Nova - qui veulent faire contrepoids aux laboratoires d'idées situés à droite que sont la Fondation pour l'innovation politique, proche de l'UMP, et l'Institut Montaigne -, d'autres lieux de réflexion se mobilisent pour faire progresser l'idée d'une social-démocratie à la française.

La République des idées édite des ouvrages afin de "faire avancer l'idée d'une modernisation politique". Animée par des universitaires, "l'agence intellectuelle" Telos prône "un esprit de réformisme" et l'Institut Edgar-Quinet, fondé par le député européen Vincent Peillon pour assurer la formation des élus, prépare une étude comparative des systèmes éducatifs.

Le groupe La Forge, fondé par l'eurodéputé Benoît Hamon et le député Vert Noël Mamère, est le seul à se situer sur l'aile gauche du PS. Dans les prochains mois, il veut notamment travailler sur les moyens d'améliorer la part des salaires dans la valeur ajoutée.

"Le problème, c'est que le PS ne prend pas assez au sérieux l'apport des intellectuels", s'inquiète Laurent Baumel, responsable national aux études. Une faiblesse qui, selon lui, n'est pas étrangère "à la défaite de 2007".

Source LeMonde.fr
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