DSK, la grâce de l'exilé

Un an après son départ de France, Dominique Strauss-Kahn est le premier des socialistes. Le meilleur candidat du PS pour la présidentielle de 2012, adoubé par l'ensemble des sondés (34%), mais aussi par les sympathisants socialistes (30%)! C'est une première: jusqu'ici, Strauss-Kahn était l'homme de gauche préféré de la droite. Il est désormais attendu par les siens: un messie virtuel qui reviendra un jour, peut-être, pour sauver Solferino. Et tout cela sans rien dire, sans rien faire! Simplement l'absence. Et, sans doute, le spectacle donné par les éléphants restés au pays.
En comparaison, Strauss-Kahn, même à distance, resplendit. Tandis que Ségolène fait la fête au Zénith, lui s'installe dans la crise mondiale ; il prétend devenir le grand régulateur des finances du monde, l'homme qui matera les marchés et mettra au pas les spéculateurs! Il veut transformer le FMI -symbole honni des gauches de l'orthodoxie financière- en institution-étalon de la régulation! Quelle histoire, tout de même.
L'an dernier, DSK terminait sa course à la désignation de directeur général du FMI. Une campagne auprès des grands de ce monde, pour compenser cette présidentielle qu'on ne lui avait pas laissé faire. Il dialoguait avec Lula, Mbeki, la Chine et l'Amérique! Sarkozy l'encourageait, trop content de se débarrasser d'un rival. ça sentait l'exil doré, un poste d'expat' grassement payé, dans une capitale mondiale -Washington- aux allures provinciales.
Allait-il s'y ennuyer, DSK! Pourtant, ses amis le trouvaient requinqué, drôle à nouveau, plantant ses petits drapeaux sur le planisphère, comme au joli temps où il enchantait Bercy. En fait, DSK sauvait sa peau: il échappait à l'aigreur et à la dépression. A force de finasser à l'intérieur du PS, il avait perdu son aura de modernité, sa force transgressive, et jusqu'à sa joie de vivre. Pour être accepté des militants, il avait voulu devenir un socialiste aussi gris que les autres. Mais le parti lui avait préféré Ségolène Royal, tellement plus vivante, tellement caressée des sondages... Et tellement moins compétente? Strauss-Kahn n'estimait pas Ségolène, il s'en voulait d'autant plus d'avoir été dominé.
"Maintenant, je vais échapper aux conneries", songeait-il, en route vers Washington, jurant de ne plus se mêler des médiocrités de la rue de Solferino.Il a presque tenu parole, s'est à peine occupé des socialistes depuis un an.
Juste des coups de fil, des SMS, une apparition un jour à la Mutualité, une "photo opportunity" témoignant de l'angoisse d'être oublié. Pas d'inquiétude: nul n'a rayé DSK, toujours plus vivant. Parce que virtuel? Il n'a plus de troupes au Parti, dispersées dans la centrifugeuse du congrès. Moscovici n'aime plus Cambadélis, qui aime Martine Aubry... Strauss-Kahn s'en désole et se dit qu'il s'en moque. Il a vu ça de loin, vaguement impliqué, souhaitant l'alliance de ses "enfants" avec Aubry, mais sans jamais le dire lui-même. A quoi bon? Son destin ne se joue plus au PS, mais dans ce qu'il accomplit à Washington. Et dans l'évanescence des autres qui nourrit dans les sections le regret de l'absent.
Ça ne dépend pas de lui, mais l'amour est bon à prendre.
Vendredi soir, dans sa belle maison de Washington, DSK a regardé le débat présidentiel américain, étonné que les candidats évitent le sujet de la crise financière. En ferait-il quelque chose, lui, s'il avait l'occasion de parler pour un pays! On évoque avec Strauss-Kahn le discours de Sarkozy, nouveau paladin de l'anticapitalisme financier. Il ne commente pas la performance du rival, devoir de réserve oblige. Mais il rappelle que tout le monde veut réguler: Lula, Zapatero, Brown, Sarkozy... Et lui, bien sûr. DSK a été l'un d'eux, l'un des grands, ou presque: tout est dans ce "presque".
Il le sera ? Mais le messie ne sait pas s'il reviendra un jour.