Budget 2009 : pas très social !

Publié le par SD32

L'Etat est obligé à freiner au moment même où il faudrait accélérer, faute d'avoir bien géré ses dépenses précédemment. Mais la crise ne doit pas cacher les arbitrages politiques : si l'emploi et le logement voient leurs crédits réduits, la défense est en forte progression. Malgré le RSA, le budget 2009 n’est pas très social.

« La critique est aisée, dit l'adage, mais l'art est difficile .» Et si nous avions été aux manettes ? Il est vrai que l'on n'aimerait pas être ministre des Finances en ces temps de crise, où l'horizon se bouche, la croissance, déjà faible, ralentit encore, et le chômage à nouveau progresse. Or, c'est précisément en ces temps difficiles que le budget de l'Etat a un rôle crucial à jouer, à la fois pour amortir les chocs et assurer la cohésion sociale, de sorte que les populations les plus fragiles ne servent pas, comme c'est hélas trop souvent le cas, d'« amortisseurs » ou de paratonnerres d'une économie en crise.

Le rôle du budget : amortir les chocs

En 2009, les dépenses publiques devraient progresser de 19 milliards d'euros ; or compte tenu d'une inflation anticipée de 2 %, la « vraie » progression devrait rester de l'ordre de 12 milliards, soit + 0,7 %. Il s'agit donc bien d'un budget d'austérité et non d'expansion, puisque la croissance du PIB est envisagée comme devant être comprise entre 1 % et 1,5 %. Les dépenses publiques vont donc augmenter nettement moins que la richesse nationale : loin d'atténuer le ralentissement qui se profile devant nous, le budget risque de l'accentuer.

Certes, l'on peut se demander si la dépense publique financée par le déficit arrive vraiment à relancer l'économie : depuis une dizaine d'années, notre déficit n'a cessé de se creuser, sans que notre croissance soit supérieure à celle des pays qui ont pratiqué une politique budgétaire orthodoxe. Ce qui est certain en revanche, c'est qu'une compression de la dépense publique est toujours ressentie à court terme : les pays qui, comme la Suède, la Finlande ou l'Allemagne, ont brusquement fermé les « robinets budgétaires » ont tous connu un freinage sensible de croissance. En d'autres termes, si la réduction du déficit peut posséder des vertus à long terme, ses effets négatifs se manifestent aussitôt.

D'où la question : est-il bien raisonnable de freiner ainsi fortement l'année de tous les dangers ? Evidemment non. Mais, après avoir dix fois promis de respecter la règle européenne, sans vraiment tenir sa parole, la France y est désormais contrainte sous peine de sanctions. Cette règle est connue : pas plus de 3 % de déficit et 0 % sur le long terme, les déficits d'une année devant être compensés par des excédents d'autres années. Les pays écureuils sont ainsi récompensés: ayant mis des noisettes de côté ces dernières années (c'est le cas de l'Espagne, de l'Allemagne, de la Finlande, de la Suède, des Pays-Bas notamment, tous revenus à des excédents budgétaires), ils vont pouvoir faire jouer les stabilisateurs budgétaires en injectant dans l'économie des dépenses publiques supplémentaires. Mais la France est obligée de freiner justement au moment où il faudrait accélérer, faute de l'avoir fait précédemment. Le paquet fiscal n'était pas seulement injuste, c'était une redoutable bêtise, dont le pays tout entier risque de faire les frais douloureusement.

C'est donc la politique française qu'il faut blâmer en premier lieu. L'Europe, cependant, n'est pas blanche en cette affaire : on n'hésite pas à injecter des milliards dans la politique monétaire pour restaurer la confiance dans la liquidité des banques ; alors il faudrait avoir le courage de reconnaître que la politique budgétaire, elle aussi, doit être mobilisée dans la lutte contre la crise, même si cela se heurte à la règle de 3 %. La sagesse serait qu'un Conseil européen extraordinaire décide de contrevenir à cette règle en raison de la gravité de la situation - ou que, au moins, la règle vaut pour l'ensemble européen, non pour chaque pays en particulier (ce qui laisserait ouverte la possibilité d'emprunts entre pays). Mais la France, qui préside l'Union, reste d'un silence assourdissant sur ce sujet...

La cohésion sociale

Crise ou pas crise, tout budget est le résultat des arbitrages politiques. La progression de 0,7 % des dépenses résulte d'une augmentation de 18 milliards au profit de certaines missions de l'Etat, et d'une réduction de 6 milliards au détriment d'autres.

Quelles sont les missions gagnantes ? Pour l'essentiel, il s'agit de quatre missions, qui représentent 86 % du total des missions bénéficiant d'un surplus de dépenses publiques. Il s'agit, dans l'ordre, de la défense, de la charge de la dette, de la solidarité, enfin de la justice.

Quelles sont les missions perdantes ? Trois principalement, qui représentent 56 % des pertes : ville et logement, emploi et aide publique au développement.

En d'autres termes, ce budget d'austérité réduit la cohésion sociale plus qu'il ne la développe : certes, le RSA permet de faire progresser la mission « solidarité », mais les emplois aidés et les logements sociaux (la construction et la rénovation) sont mis à la diète, et ces économies représentent des montants presque deux fois supérieurs aux investissements dans le RSA. Dans un contexte de chômage en progression, ce n'est pas un bon arbitrage. Un budget socialement acceptable aurait maintenu les crédits pour les deux missions perdantes. En revanche, on peut s'étonner de la forte progression de la défense : sans doute s'agit-il de la dragée utilisée pour enrober la pilule de la fermeture de nombreux sites militaires. Mais on conviendra qu'il s'agit là d'une dragée au sucre particulièrement épais.

 

Par Denis Clerc, fondateur d'Alternatives Economiques, auteur de La France des travailleurs pauvres (Grasset, 2008)

Source Alternatives économiques

Publié dans Politique

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