He can ! et nous... ?

Chacun a perçu le triple message d’Obama. Une nouvelle Amérique travaillant au multilatéralisme, quittant l’Irak, cherchant la régulation économique, voire travaillant à Kyoto II. Un Président reconquérant son pays et le réconciliant avec le monde.
La tache sera rude et d’abord financière. La quasi-désintégration du système bancaire, la recherche d’actifs sûrs, le resserrement du crédit pour l’économie réelle, l’effondrement des prix, des actions, la fragilité du marché des devises, l’affaissement du prix des logements aux USA, l’affolement des hedges funds.
Les risques sont grands… La récession est là… Et elle peut empirer au cas où la montagne de dettes privées - elle équivaut aux USA à trois fois le Produit Intérieur Brut - s’écroulerait. Elle entraînerait des faillites en cascade.Et nous connaissons les conséquences en terme de chômage, de chute des prix, la baisse des salaires, réelle. La mondialisation provoquerait une véritable pandémie récessive aux conséquences politiques incalculables faites de nationalisme et de populisme. Elle bousculerait la géopolitique, les oligarques Russes sont pris à la gorge par l’assèchement du crédit et la crise aura une onde de choc en Chine, sans oublier la grande dépression au Sud.
C’est dire que la victoire de Barack Obama indépendamment des questions géopolitiques, Irak et Afghanistan, Chine, Afrique etc. est la croisée des chemins.Les décisions qui vont être prises le 15 novembre au sommet du G 20 ainsi que celles que nous prendrons en Europe vont façonner l’avenir d’une génération. Et c’est dans ce contexte qu’il faut analyser le contenu de la victoire de Barack Obama. Pour amplifier le mouvement, ce dernier a petit à petit repris une partie du discours de Hillary Clinton.
Sous l’effet de la crise… il a été de plus en plus critique avec la « philosophie économique de Bush », comme le rapporte avec justesse Patrick Jarreau dans le Monde. Ila condamné la dérégulation financière. Il a attaqué cette idée défendue par notre ministre de l’économie, Mme Christine Lagarde que ce sont les riches qui font la croissance. Il s’est même démarqué du centrisme de Bill Clinton tout en endossant la ligne des démocrates sur les problèmes de société.
Il y a là une inflexion qui en France serait jugée de gauche. Les soixante jours qui ont changé le monde vont créer un nouveau contexte idéologique pour la gauche. Hier les théories politiques néo libérales discréditaient l’Etat au nom de l’efficacité du marché, de la valeur argent, un gigantesque « enrichissez-vous » dominait le monde. Une formidable pression à la concurrence entre les salariés était légitimée comme le meilleur moyen de maximiser l’activité économique pendant que le système bancaire fantôme et les marchés s’activaient sans frontière, spéculant sur une formidable bulle de capitaux fictifs pour mieux prospérer rapidement.
Tout ceci avait mis la gauche sur la défensive, entre acceptation ou résistance sans espoir de peser. Devant l’urgence économique et sociale du monde, la gauche n’est plus sur la défensive. Elle peut être à l’offensive, non pas pour défendre ou promouvoir le social libéralisme d’hier ni même la gauche socialiste et social démocrate d’avant-hier. Mais pour fonder un cour nouveau, une nouvelle gauche qui se fixe pour objectif la domestication écologique et sociale de l’économie de marché.
Les temps sont à gauche, saurons nous le saisir en France ? Quant aux USA maintenant « il » peut, mieux « il » doit.
Jean Christophe CAMBADELIS