Jean Christophe Cambadélis : «Envoyer un signal fort à Nicolas Sarkozy»

Les socialistes de l’UE tiennent un meeting commun vendredi à Toulouse. Jean-Christophe Cambadélis, chargé au PS de l’international, détaille les axes de leur campagne placée sous le signe d’un «double changement».
La famille socialiste européenne au complet, ce soir à Toulouse. La première secrétaire du PS Martine Aubry et le président du PSE, Poul Nyrup Rasmussen, donneront ce soir le coup d’envoi à une campagne commune. L’occasion d’afficher l’unité à l’échelle des 27 pays de l’UE, après l’adoption du Manifesto, et de recoller les morceaux, sur le plan national. Le choix de la France pour lancer la campagne ne doit rien au hasard, d’après Jean-Christophe Cambadélis. Alors que «la crise a impacté les partis socialistes, qui se sont davantage recentrés sur le social», la ligne «que défend le PS français est aujourd’hui légitimée», estime le secrétaire national du PS à l’international.
Pour la première fois, les socialistes vont mener une campagne commune sous l’égide du PSE. Croyez-vous que cette formule va trouver plus d’écho en France ?
Notre enjeu est de changer la majorité européenne et d’y imposer une majorité de gauche. Pour une fois que les socialistes européens sont d’accord sur un programme commun [le Manifesto, signé par les 27 partis, ndlr], autant le faire savoir aux Français. Par ailleurs, l’idée sera de proposer un double changement, en Europe et en France. La droite veut une continuité, la gauche un changement et le PS a pour lui l’efficacité de ce programme à 27.
Quels seront les principaux axes ?
La campagne tournera autour de la réorientation de la construction européenne. Par exemple, l’harmonisation fiscale, l’augmentation du budget de l’Union européenne pour permettre une véritable relance. Nous plaiderons pour une directive des services publics qui sera un élément essentiel de charpente pour une Europe sociale. Le PSE aura aussi pour thématique «people first» - citoyens d’abord - pour bien indiquer qu’après la longue phase économique et monétaire, il est temps d’ouvrir celle de l’Europe des citoyens.
L’essai que vous allez publier (1) a pour thèse le tournant qui serait en train de s’opérer au sein des socialismes européens. Le PS français se trouve-t-il donc plus en phase avec les partis socialistes des autres Etats-membres ?
Le PS a toujours eu une réticence à l’égard du blairisme. Or, on constate par exemple que Gordon Brown nationalise des banques et que plusieurs partis socio-démocrates appellent à la puissance publique pour juguler la crise. La crise a impacté les partis socialistes, qui se sont davantage recentrés sur le social. C’est un changement culturel qui convient tout à fait au PS français ! Voilà aussi pourquoi le président du PSE, Poul Nyrup Rasmussen, a voulu symboliquement que la campagne soit lancée en France: ce que nous défendons est aujourd’hui légitimé.
Des chefs de gouvernement de gauche soutiennent José Manuel Barroso pour un second mandat à la tête de la commission. Cela n’handicape-t-il pas la campagne du PSE ?
Non, déjà, nous avons un programme commun. Et ce vendredi, avant le meeting, les leaders des partis socialistes adopteront une résolution soulignant que les députés européens du PSE ne voteront pas pour un candidat qui n’appliquerait pas notre programme. Poul Nyrup Rasmussen le dira au meeting: en cas de nouvelle majorité au Parlement européen, Barroso ne pourra évidemment pas être réélu.
Vous parlez de proposer un «double changement». Cela signifie-t-il que le PS compte aussi donner à la campagne européenne une dimension nationale?
Si les Français votent pour une nouvelle majorité en Europe, il est clair que ce serait un signe fort envoyé à Nicolas Sarkozy. Et celui-ci ne pourrait pas ne pas en tenir compte. Ceux qui, actuellement, manifestent ou sont en grève contre les suppressions d’emploi ne sont pas dans une radicalité de contestation mais de construction d’un nouveau modèle. Ce n’est pas seulement un cri de colère. Il y aura une volonté de sanctionner mais aussi une envie d’efficacité et de réorientation de l’UE.
Certains partis (Europe écologie et le front de gauche qui rassemble PG et PCF) reprochent au PS et à l’UMP de retarder leur entrée dans la campagne…
On connaît cette musique par coeur: à chaque fois, on nous reproche de ne pas nous engager dans la campagne et ensuite d’être trop médiatisés. Certes, l’UMP a la tête ailleurs, de peur d’être sanctionnée, et les ministres se projettent davantage dans l’après. La moitié du gouvernement pense aux régionales, et l’autre à leurs prochains portefeuilles. Mais pour le PS, la meilleure réponse est notre meeting. Nous avons, au contraire, décidé de commencer tôt pour mener une campagne de terrain et faire en sorte qu’il y ait le moins d’abstention possible. On ne peut pas dire «tout nous est imposé de Bruxelles» et, quand se présente la possibilité d’une autre orientation, ne pas saisir cette opportunité.
(1) Les socialistes européens et les temps nouveaux, Jean-Christophe Cambadélis avec la collaboration de Laurent Baumel, publié par la Fondation Jean Jaurès
Recueilli par LAURE EQUY
Source Libération.fr