Fiscalité verte : les discours et les actes de Sarkozy

Publié le par SD32

Sarkozy l’a dit, mais l’a-t-il fait ? Quelques jours après son discours devant le Congrès à Versailles, revenons sur les déclarations du candidat et du président de la République en matière d’environnement, et mettons-les à l’épreuve des faits.

La fiscalité verte c’est enfantin ou presque. Sa vocation ? Inciter particuliers et entreprises à opter pour des produits moins polluants, à consommer moins d’énergie ou à rejeter moins de gaz à effet de serre vers l’atmosphère. Le moyen ? Alléger la balance financière pour les bons élèves tandis qu’on fait peser plus de taxes sur le dos des pollueurs. Mais voilà, pour être ambitieux, le programme de Nicolas Sarkozy semble difficile à tenir. Et les ONG crient déjà à l’urgence, en préférant des outils imparfaits (une contribution climat-énergie calculée sur les seules consommations d’énergie par exemple) mais applicables vite et facilement... En matière de fiscalité verte, le mieux est parfois l’ennemi du bien.

1. Une TVA abaissée sur les produits verts :

Les discours :

7 mars 2007 : "Première proposition : faire bénéficier tous les produits propres, à commencer par les voitures, d’une TVA minorée à 5,5%. Même traitement de faveur pour les constructions économes en énergie" (Sud-Ouest – 7 mars 2007)

Mai 2007 : "Je créerai une fiscalité écologique pour inciter les Français à adopter des comportements vertueux, notamment une TVA à taux réduit sur les produits propres." ("Ensemble tout devient possible". Programme pour la présidentielle )

14 Mars 2008 : "Dans le débat, nous avons expressément parlé de la TVA écologique (…) certains pays, je ne vous le cache pas, étaient opposés à ce qu’on ouvre ce débat et d’autres, la Grande-Bretagne et la France, y étaient très favorables. L’idée que je défends, c’est que les produits propres devraient bénéficier d’une TVA à taux réduit (…) quand un consommateur achète une voiture qui sera plus chère parce qu’elle est propre, il me paraît normal qu’il puisse bénéficier d’une TVA à taux réduit. Ce n’est pas encore là où l’on est, mais le Conseil a demandé à la commission d’y travailler, c’est important." (Sommet européen de printemps)

Où en est-on ?

En mars 2009, la Commission européenne a reconnu qu’il serait pratiquement impossible d’obtenir des taux réduits de TVA pour les produits "verts" dans l’UE comme le préconisait la France et la Grande Bretagne. "Un grand nombre d’États-membres considèrent que nous sommes arrivés au bout de la route et ne veulent pas de discussions supplémentaires sur l’extension de taux réduits de TVA", avait noté Laszlo Kovacs, le commissaire européen à la fiscalité, au lendemain de l’adoption d’une TVA réduite pour certains services dont la restauration. Cet accord avait déjà obtenu à l’arraché. Et six pays dont l’Allemagne, le Danemark et la République Tchèque ont demandé à ce qu’il n’y ait plus d’autres dérogations. De là à dire que la TVA verte a été sacrifiée sur l’autel des restaurateurs... En tout cas, on n’entend plus l’Élysée ni le gouvernement sur ce sujet.

2. Une contribution climat-énergie :

Les discours :

25 octobre 2007 : "Je suis contre toute fiscalité supplémentaire qui pèserait sur les ménages et les entreprises. Il n’est pas question d’augmenter le taux de prélèvements obligatoires. 
Je suis contre tout prélèvement sur le pouvoir d’achat des ménages. Tout impôt nouveau doit être strictement compensé. (…) La fiscalité écologique ne doit pas se résumer à une compilation de petites taxes, rarement incitatives et souvent injustes. Il faut une profonde révision de tous nos impôts et taxes. L’objectif est de taxer plus les pollutions, notamment les énergies fossiles, et de taxer moins le travail.
Je m’engage à ce que la révision générale des prélèvements obligatoires se penche sur la création d’une taxe "climat-énergie" en contrepartie d’un allégement de la taxation du travail pour préserver le pouvoir d’achat et la compétitivité." (Discours de clôture du Grenelle de l’environnement)

23 juin 2009 : "C’est avec la même détermination que je souhaite que l’on aille le plus loin possible sur la taxe carbone. Plus nous taxerons la pollution et plus nous pourrons alléger les charges qui pèsent sur le travail. C’est un enjeu immense. C’est un enjeu écologique." (discours au Congrès à Versailles)

Où en est-on ?

Baptisée tour à tour taxe climat-énergie puis contribution climat-énergie (CCE), la taxe destinée à limiter les émissions de gaz à effet de serre en introduisant "un signal prix carbone " patine encore. Doit-on taxer les consommations énergétiques, les produits en fonction de leur bilan carbone ? Comment la calculer et qui doit la payer ? L’État n’a pas encore tranché. Alors qu’on pensait que le sujet n’était plus d’actualité, un livre blanc sur le sujet a été ouvert, au lendemain de la percée électorale d’Europe Ecologie aux européennes. Celui-ci devrait aider des experts à rédiger une trame de propositions lors d’une conférence "du consensus" les 2 et 3 juillet prochains. "Le processus est lancé mais il prendra du temps", ont souligné début juin Jean-Louis Borloo et Michel Rocard, président de la conférence du consensus sur la contribution Climat-Énergie. Si tout va bien, la CCE devrait faire partie de la loi sur les Finances de 2011.

3. Une taxe carbone (sur les produits à l’importation) :

Les discours :

10 avril 2007 : "Si nous ne parvenions pas à amener les Etats-Unis et les grandes puissances émergentes à participer à la lutte contre l’effet de serre, je souhaite la mise en place d’une taxe sur le carbone importé applicable aux produits issus de pays ne respectant pas le protocole de Kyoto." (Réponses à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises)

24 mars 2009 : "Je ne verrai que des avantages à une taxe carbone qui permettra de faire participer les importations au financement de notre protection sociale. (...) Il y a des pays qui ne respectent aucune des règles environnementales que nous imposons à nos entreprises. Eh bien ces pays paieront à ce moment-là, dans le cadre de la taxe carbone que nous aurons, une taxe qui est parfaitement normale (...). Il n’y a aucune raison que nous acceptions, en plus du dumping social, du dumping monétaire, du dumping fiscal, un dumping environnemental qui finira par conduire le monde à la ruine" (Discours lors d’une réunion publique à Saint-Quentin- Aisne)

15 juin 2009 : "Que l’on sache en tout cas que je ne laisserai pas faire subir à la taxe carbone le sort que l’on a fait subir par le passé au débat sur la taxation de la spéculation. Parce que la taxe carbone c’est la condition d’une concurrence loyale et d’un effort partagé pour sauver la planète. "(Conférence internationale du travail, Genève)

Où en est-on ?

Contrairement à la Contribution climat énergie, nationale, cette taxe aux frontières relève cette fois-ci de la compétence de l’UE. Le Danemark et la Suède se sont dits opposés, le 18 juin dernier, à envisager dès à présent l’instauration d’une "taxe carbone" aux frontières de l’UE pour le cas où les négociations mondiales sur le climat viendraient à échouer. Nombre de pays européens sont réticents, par crainte notamment d’enfreindre les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Il faudra donc attendre les conclusions du sommet de Copenhague, en décembre prochain, pour savoir si Nicolas Sarkozy jugera utile de repasser à l’offensive sur ce sujet.

Source TerraEco

Publié dans Faits de société

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