RSA Jeunes : le leurre et l'argent du leurre

Décryptage.
Avignon est une ville tout indiquée pour jouer la comédie. Nicolas Sarkozy s'est fait un plaisir de l'illustrer mardi lors d'un discours consacré aux jeunes: «L'extension du RSA aux moins de 25 ans», présentée comme une avancée majeure, n'est qu'une fable. Le «sous conditions» qui suit l'annonce est en effet tellement restrictif que le nombre de jeunes concerné par cette mesure se révèle très réduit.
Le président de la République et sa famille politique l'ont une nouvelle fois répété: ils craignent «l'assistanat». C'est donc sans surprise que les moins de 25 ans ont été exclus du «RSA socle», ce revenu qui remplace l'ancien RMI et qui permet à ceux qui n'ont rien de vivre décemment. Tant pis pour ceux qui estiment que si l'on est citoyen à 18 ans, on doit avoir dès cet âge les mêmes droits que ses aînés.
Mais la restriction va bien plus loin. Car le RSA, c'est aussi, quand on a plus de 25 ans, un complément de revenu pour les travailleurs pauvres, dont beaucoup travaillent à temps partiel. Ce RSA de complément (110 euros en moyenne par mois), les jeunes y auront droit, mais seulement s'ils ont travaillé pendant deux des trois dernières années à temps plein, ou à deux tiers de temps pendant trois ans.
Du coup, ne sont concernés que les jeunes qui sont arrivés très tôt sur le marché de l'emploi et qui continuent d'être dans une situation précaire. Ils seraient 160.000 selon le gouvernement. Les conditions d'éligibilité à ce RSA jeunes sont telles qu'un homme de 23 ans ayant travaillé pendant trois ans comme caissier, disons de 19 à 22 ans, et qui serait à présent au chômage, ne touchera pas le RSA socle. En effet, celui-ci ne peut se cumuler avec l'allocation chômage, qui dure deux ans. Il ne touchera ce RSA socle qu'à la fin de son allocation chômage, à 24 ans, alors qu'auparavant il aurait dû attendre 25 ans. Ce nombre de situations s'annonce faible (40.000 selon le haut-commissaire)
Prenons maintenant l'exemple d'un jeune de 24 ans qui débute dans une entreprise. Dans son discours, Nicolas Sarkozy a expliqué qu'il n'y avait pas de raison que ce jeune ne touche pas la même allocation qu'un salarié de 25 ans de la même entreprise qui touche le même salaire. C'est vrai. Mais le nouveau disposititif n'y changera rien si le plus jeune des deux salariés n'a pas plus de deux ans d'ancienneté sur le marché du travail.
écile Van de Velde, auteur de Devenir adulte, sociologie comparée de la jeunesse en Europe, pousse plus loin l'analyse: «La jeunesse reste un angle mort de la protection sociale. Ces mesures permettent d'exclure les étudiants du dispositif, ce que voulait absolument le gouvernement. Mais cela ne règle pas le cœur du problème, car on ne fait rien pour ceux qui entrent sur le marché de l'emploi et qui vont devoir trouver un travail sans ressources. On aide encore une fois les plus employables, les plus insérés. On reste dans la tendance française d'une aide très familiale pour les jeunes avec un peu plus d'Etat, ce qui permet un affichage.» A un coût acceptable: 250 millions d'euros.
Alors qu'à en croire Michaël Zemmour, chercheur en économie à l'université Paris 1, «plus d'un million d'actifs de moins de 25 ans auraient été éligibles au RSA si celui-ci avait été adopté sur les mêmes critères que pour les actifs de plus de 25 ans».
Si on élargit le débat aux non-actifs, on compte en France aujourd'hui plus de 8 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans selon l'INSEE. Environ 2% d'entre eux bénéficieront du dispositif annoncé hier. Toujours selon l'Insee, 20,4% des 18-24 ans vivent pourtant sous le seuil de pauvreté.
Autrement dit, les entrants sur le marché du travail ne gagneront rien avec cette nouvelle mesure. Les quelque 300.000 de la tranche des 16-25 ans actuellement inscrits au Pôle emploi, et qui ne touchent pas d'indemnités-chômage, ne toucheront pas un centime de plus. Idem pour les étudiants, car qui peut imaginer mener avec succès un temps plein et des études? «Le risque, c'est que cette mesure encourage le salariat étudiant, que des jeunes veuillent absolument continuer à travailler malgré l'approche des examens alors que l'on sait que travailler pendant qu'on étudie augmente de 40% les risques d'échec aux examens», analyse Karl Stoeckel, du syndicat étudiant l'Unef.
Source Mediapart