Carte scolaire : la Cour des Comptes confirme le renforcement des inégalités

Publié le par SD32

Loin de profiter aux élèves les plus modestes, l’assouplissement de la carte scolaire contribue à la ghettoïsation des collèges «ambition réussite» (les plus défavorisés) en les vidant de leurs meilleurs élèves. Le constat n’est pas nouveau mais, cette fois, il vient de la Cour des comptes elle-même. Dansun rapport sur les politiques éducatives dans les quartiers sensibles, présenté le 3 novembre devant la commission des finances, elle épingle, au passage, l'assouplissement mis en place à la rentrée 2007 qui aboutit à «une plus grande concentration dans ces collèges des facteurs d’inégalités». 

 

Selon ce rapport, sur 254 établissements ambition réussite, 186 ont perdu jusqu’à 10% d’élèves. «Vraiment pas une surprise» aux yeux de Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN, le syndicat des chefs d’établissement qui avait déjà réclamé en septembre 2009 un vrai bilan. «L’assouplissement a été traité par-dessus la jambe entre 2007 et 2009, juge-t-il. Le ministère s’est juste préoccupé de proclamer haut et fort qu’on avait donné tant de dérogations sans mener aucune enquête sur les conséquences sur la mixité scolaire.»

 

C’est l’histoire d’un aveuglement volontaire et idéologique. Car depuis 2007, les signaux d’alerte n’ont pas manqué. Dès la rentrée 2007, deux inspecteurs, Jean-Pierre Obin et Christian Peyroux, remettent un rapport alarmant au ministre de l'éducation de l'époque, Xavier Darcos. «La question de la survie de certains collèges est ouvertement posée, écrivent-ils. C'est aux deux extrémités de la hiérarchie des établissements que la mixité sociale est mise le plus rudement à l'épreuve: dans les établissements les plus convoités, il y a peu d'élèves de condition modeste; dans les collèges les plus évités, ce sont les catégories favorisées qui ont disparu.» Révélé en juin 2008 par Le Monde, le rapport est qualifié de «double ânerie» par Xavier Darcos.

Lors de l’examen du projet de loi de finances 2009, les rapporteurs de la commission des affaires culturelles du Sénat s'étonnent du silence du ministère pourtant «interrogé par écrit sur ce point». «Le ministère s'expose ainsi à des critiques inutiles, en n'engageant pas le débat alors qu'il dispose de solides arguments en sa faveur», concluent-ils, avec une confiance sans faille. Mais à la rentrée 2009, le premier collège «Ambition réussite» ferme dans un quartier défavorisé d’Avignon, après avoir perdu près de la moitié de ses effectifs.

 

Un sénateur UMP du Vaucluse, Alain Dufaut, s'insurge alors contre les «effets pervers de l’assouplissement». Certes le lycée d'élite Henri-IV est passé de 3 à 6 % de boursiers en seconde. Mais parallèlement, cette mesure «a eu tendance à vider les établissements des quartiers défavorisés de leurs meilleurs élèves», dit Alain Dufaut.

 

Les seuls chiffres jamais publiés par le ministère de l'éducation sont ceux des dérogations demandées (en hausse de 9,4% en 2009) et du taux de satisfaction des demandes (72% à l’entrée en 6e et 65% pour la seconde). Rien sur la mixité sociale et scolaire, pourtant l’autre objectif affiché de la réforme, avec le libre choix des familles. C’est presque par hasard que la Cour de comptes, chargée par la commission des finances d’un rapport sur l’articulation entre politiques d’éducation prioritaires et politique de la ville, est tombée sur l’os, en analysant les résultats collèges «ambition réussite» dans trois académies (Aix-Marseille, Lille et Versailles).

 

«Aujourd’hui, il est urgent d’agir», met en garde Philippe Tournier. Très visibles aux deux extrémités de la chaîne, dans les établissements les plus en difficulté qui se ghettoïsent, et chez les plus réputés, obligés de pousser les murs pour accueillir des classes d’une trentaine d’élèves, les effets de l’assouplissement «déstabilisent aussi les collèges moyens», selon le secrétaire général du SNPDEN. «On voit des mécanismes de différenciation se mettre en place, décrit-il. Le choix des parents ne se joue pas sur des différences de politique éducative selon les établissements mais sur l’idée que certains établissements sont meilleurs que d’autres. Cette recherche du meilleur établissement amène à une répartition des niveaux scolaires entre les collèges avec les bons, les moins bons et au bout de la chaîne les élèves les plus faibles et démunis qui ne peuvent aller autre part.» Des mécanismes déjà décrits dans les enquêtes sur les expériences de d'assouplissement des années 1980 mais, manifestement, pas prises en compte par le gouvernement. 

Source Mediapart

Publié dans Education

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