DSK vu de Washington

Publié le par SD32

dsk-face.jpgLe Fonds monétaire international tient son assemblée de printemps les 24 et 25 avril à Washington. Nommé à la tête d'une institution controversée, Dominique Strauss-Kahn a profité de la crise pour lui redonner son rôle stratégique. Mais aussi en changer la philosophie

Dominique Strauss-Kahn est prêt. S'il faut voler au secours de la Grèce, le Fonds monétaire international (FMI) qu'il dirige répondra présent. Encore une fois ! Deux ans et demi à peine après sa nomination, le patron du FMI est sur tous les fronts : il critique les banques pour leur opacité, pousse les Etats à faire plus de relance budgétaire, vole au secours des pays africains... Sa dernière trouvaille ? Sublimer l'échec de Copenhague en dessinant les contours d'un « fonds vert » pour aider les pays pauvres à financer leurs efforts environnementaux.


Qui aurait prédit cette visibilité ? Certainement pas Nicolas Sarkozy qui pensait écarter un rival de la scène politique française en lui offrant une retraite semi-dorée à Washington à la tête d'une organisation en perte de vitesse... Raté : à écouter les économistes de Washington et les équipes du Fonds, DSK a su se tailler l'image d'un homme politique hors pair. «Il a eu une chance incroyable sur le calendrier !», constate dans un grand sourire Uri Dadush, économiste au Carnegie Endowment for International Peace, l'un des nombreux « labo à idées » ou « think tanks » de Washington. Car le FMI, c'est un peu comme les pompiers : s'il n'y a pas d'incendie, tout le monde trouve qu'ils coûtent trop cher ; mais dès qu'un feu se déclare, on salue les héros !

 

Un G20 ministériel

 
Et DSK a su mieux que personne surfer sur l'« opportunité » de la crise financière. Pour Domenico Lombardi, chercheur à la démocrate Brookings Institution, son coup de maître aura été d'imposer le Fonds comme la « tête pensante » du G20. Ce cercle des chefs d'Etat des principales puissances économiques s'est réuni pour la première fois à Camp David, fin 2008, peu après la faillite de Lehman : « Strauss-Kahn a tout de suite repéré la niche politique», salue l'économiste. Plus habile qu'un Robert Zoellick, le patron de la Banque mondiale, qui a fait l'erreur de critiquer cette enceinte. Depuis, Strauss-Kahn creuse son sillon. Le 23 avril - deux jours avant ses 61 ans -, il profitera de l'assemblée de printemps du Fonds monétaire pour accueillir un G20 ministériel qui préparera le sommet de Toronto en juin, où il doit présenter aux chefs d'Etat son analyse sur la coordination des politiques économiques ainsi que les propositions du Fonds pour taxer le secteur financier.


Quel come-back ! « Quand DSK est arrivé en novembre 2007, le Fonds était pathétique, lâche Desmond Lachman, expert à l'American Enterprise Institute, l'influent « think tank » néoconservateur. Comme si ses équipes s'étaient endormies au volant... » Pas un signal d'alarme pour prévenir qu'une bulle immobilière menaçait aux Etats-Unis ; pas un avertissement sur la dissémination des actifs toxiques ; pas un mot pour anticiper la récession la plus grave depuis 1929. Pis : plus aucun pays ne voulait avoir le Fonds pour débiteur. Or sans prêt, plus de recette... Ne restait plus qu'à réduire les effectifs. La grande mission du nouveau managing director - le «MD», comme on dit au FMI -, c'était de convaincre 500 personnes de partir.


L'immeuble 1950 de la 19e Rue, un peu... stalinien et complètement défraîchi, a vu partir du monde. Mais des têtes nouvelles sont arrivées. Olivier Blanchard, l'économiste du Massachusetts Institute of Technology (MIT), s'est mis au service de DSK en septembre 2008. Suivi par une série de directeurs choisis à l'extérieur, plutôt politiques, ce qui est assez inhabituel au Fonds. Ainsi Antoinette Sayeh, la très efficace ministre des Finances du Liberia, a-t-elle pris la tête du département Afrique ; et l'ancien Premier ministre polonais Marek Belka (concurrent malheureux du Français pour le poste de directeur général), la direction du département Europe. Début mai, DSK aura même un nouveau conseiller spécial : le Chinois Zhu Min, vice-président de la banque centrale de son pays... « Il a nettoyé la vieille garde. Il s'est entouré de cercles rapprochés : des gens très intelligents, fidèles et souvent sous son charme», constate Simon Johnson, le prédécesseur britannique d'Olivier Blanchard, aujourd'hui professeur au MIT.


Surtout, le discours du Fonds a changé. «La deuxième chance de DSK, explique Uri Dadush, a été de comprendre d'instinct l'ampleur de la crise, l'impact social qu'elle risquait d'avoir, le risque de contagion aux pays pauvres. » Dès janvier 2008, au Forum de Davos, surprise ! Allant contre son numéro deux l'Américain John Lipsky plus optimiste -, DSK encourage les gouvernements qui avaient des marges de manoeuvre à faire de la relance pour sauver l'économie mondiale. En clair : à appuyer sur la pédale de la dépense publique. Quoi ? Le FMI poussant au laxisme, à contre-courant complet de sa culture d'austérité budgétaire ! Oui, le Fonds devient keynésien si nécessaire, et à partir de la fin 2008, une fois restructuré, il innove, offrant aux pays bons élèves des financements souples, préventifs. Ainsi la nouvelle « ligne de crédit modulable » réclamée depuis longtemps par les pays émergents a-t-elle permis au Mexique, à la Colombie ou à la Pologne de redevenir des clients.

 

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