Good Luck, Mr. President par Anne SINCLAIR
Eh bien voilà. C'est fait! Les Français ont voulu le changement. Nicolas Sarkozy a perdu son pari d'être réélu. François Hollande a gagné le sien et va entrer à l'Elysée avec un score de 51,7%.
Il sera intéressant lundi de s'interroger sur le naufrage du Président sortant, qui fut un candidat populaire en 2007, avant de devenir assez vite un Président repoussé par ses concitoyens. Il aura exaspéré par son exercice du pouvoir qui ne fut ni humble, ni tranquille, alors qu'il avait su séduire par une énergie féroce, une détermination qui l'a fait se battre dos au mur ces deux dernières semaines, endossant tous les discours, tous les arguments, même les plus contestables.
Mais la tradition veut que ce soir, on célèbre le vainqueur, François Hollande, dont personne, il y a deux ans, n'aurait parié sur la victoire et dont certains camarades doutaient même qu'il puisse endosser l'habit présidentiel. Il l'a fait.
Dans les dernières heures précédant le scrutin, les élus socialistes rapportaient tous des propos alarmistes venus de leur circonscription : le vote en faveur de François Hollande s'érodait au profit de celui pour Nicolas Sarkozy.
Pour deux raisons : d'abord les mesures fiscales et économiques du programme du candidat de gauche qui effraieraient beaucoup de centristes. Ces derniers seraient, certes, réceptifs aux sévères critiques de François Bayrou sur la dérive de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, mais une partie de cet électorat plus attentive aux mesures de rigueur qu'à la correction des injustices sociales, s'effaroucherait des audaces - pourtant relatives - du candidat socialiste en matière d'impôts ou de dépenses publiques.
Mais surtout, ce qui inquiète, disaient ces élus impressionnés par les remontées venues de la France profonde, c'est la promesse du candidat socialiste de donner le droit de vote aux immigrés. Plus encore depuis le débat, les Français auraient pris conscience que, en cas de victoire de François Hollande, cette mesure était inéluctable.
Eh bien, ils se seront fait peur pour rien. Cet engagement de donner le droit de vote aux étrangers pour les élections municipales - promise par la gauche depuis 1981 et souhaitée par beaucoup d'élus venus de la droite humaniste - aura été à François Hollande ce que l'abolition de la peine de mort fut à François Mitterrand : une proposition risquée, peu populaire, mais morale et emblématique de la gauche.
Et c'est tout à son honneur de n'avoir pas fléchi sur ce terrain qui supposera une révision de la Constitution, soit par le vote des 3/5èmes des parlementaires, soit par un référendum qui donnerait, dans ce cas, au peuple français, une deuxième opportunité de se prononcer.
La France de gauche, qui, depuis 1997 n'avait plus rencontré les faveurs du peuple français et qui pourtant en rêvait, va retrouver le bonheur de mai 81. Le temps d'une nuit, de quelques jours, de quelques semaines. Après, comme l'a dit, en 1936, Léon Blum "C'est maintenant que les ennuis commencent", ou pour parodier le nouveau Président : "Les ennuis, c'est maintenant".
Le traditionnel "état de grâce" dont disposent les nouveaux élus, est de plus en plus court. Le temps d'un été peut-être, s'il se passe sans crise européenne.
Mais dès la rentrée, il faudra coordonner les promesses du candidat avec les réalités économiques et sociales françaises, avec la situation de l'Europe - où la Grèce, en colère, votait aussi ce 6 mai -, avec Madame Merkel, Monsieur Obama, les marchés financiers, le chômage, le pouvoir d'achat, la crise de la dette. Il va falloir gérer les espoirs des Français et leur inévitable déception - tant il est vrai que ceux qui gouvernent en temps de crise font plus de mécontents que de satisfaits. "Ce qui d'abord est gloire, à la fin est fardeau" écrivait Victor Hugo dans La Légende des Siècles.
Mais ce soir, après une pensée pour les perdants qui représentent presque la moitié des Français, souhaitons bonne chance au 7ème Président de la Vème République.
Souhaitons qu'il sache se montrer mesuré, modeste, juste, audacieux, courageux, généreux, visionnaire, rassembleur, compétent et tenace !
Le candidat socialiste avait choisi l'humilité. Souhaitons que François Hollande, chef de l'État, qui a devant lui des défis considérables, nous surprenne, se dépasse et ne se satisfasse pas, au nom de la France en difficulté, de n'être qu'un Président "normal".
Anne SINCLAIR
Source The Huffington Post