Jean-Christophe Cambadélis : DSK a vécu «une humiliation planétaire»

Publié le par SD32

Cambadelis 25012011Député de Paris, Jean-Christophe Cambadélis, 59 ans, est un des plus proches lieutenants de Dominique Strauss-Kahn au PS. Il s’exprime pour la première fois sur l’affaire et les conséquences politiques de l’arrestation de son champion.

Sept jours après l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn, avez-vous une idée plus précise de ce qui s’est passé au Sofitel de New York?
JEAN-CHRISTOPHE CAMBADÉLIS.
Je ne sais pas ce qui s’est passé et je souhaite le savoir.Je n’exclus rien a priori, mais je me garderai bien à l’étape actuelle de défendre telle ou telle thèse. La seule chose que je constate, c’est que pendant cinq jours la part belle a été faite à l’accusation. Et à aucun moment à la défense.


Croyez-vous à la possibilité d’un complot?
Je n’ai aucun élément pour parler de complot et mon expérience me fait dire que, généralement, on découvre ces choses-là beaucoup plus tard. Mais je ne sais pas ce qui s’est passé, donc je laisse tout ouvert.

DSK a-t-il été traité à vos yeux comme un justiciable ordinaire?
Lorsque le manageur général de l’hôtel a appelé la police, DSK était condamné. Lorsqu’à 23 heures, heure française, l’officier l’a accusé de viol, DSK était médiatiquement foudroyé. Lorsque le site Atlantico a diffusé le rapport de police sur Internet, DSK était à terre. La mise au pilori mondial pouvait commencer, et nous, on ne pouvait rien faire. L’accusation et la défense vont être maintenant à égalité, ce qui va permettre de connaître enfin les faits. Mais la manifestation de la vérité ne nécessitait pas une humiliation planétaire.

L’humiliée, en l’occurrence, n’est-elle pas plutôt la femme que DSK aurait agressée?
Je l’ai écrit sur mon blog cette semaine : il y a dans cette affaire une victime. Une femme, et c’est intolérable, ou un homme, et ça l’est tout autant. Je n’éprouve aucune complaisance pour le viol ni pour toute forme d’agression sexuelle. Et si les accusations de la plaignante étaient vérifiées, je serais le premier à dire que ces faits sont inacceptables. Mais si ce n’est pas la vérité, alors c’est un destin qui aura été brisé sur la base d’une seule allégation. La lutte contre le viol et les agressions sexuelles est une cause juste qui s’égare aujourd’hui dans de faux débats. Je ne vois pas pourquoi on en oublierait la présomption d’innocence. Il faut l’une et l’autre.

DSK est-il politiquement mort?
A partir d’aujourd’hui, tout est possible, y compris un rétablissement spectaculaire. Je vous rappelle que François Mitterrand était jugé comme politiquement mort après l’attentat de l’Observatoire en 1959 (NDLR : Mitterrand fut soupçonné de l’avoir lui-même organisé pour faire parler de lui). Maintenant, est-ce que le temps judiciaire laissera la possibilité à Dominique Strauss-Kahn de retourner l’accusation? Et si c’était le cas, souhaiterait-il, après une telle épreuve, concourir à la présidentielle? Je n’en sais rien.

Comment avez-vous jugé les réactions de la classe politique?
Martine Aubry a été impressionnante d’humanité et de concentration sur l’intérêt général. La gauche a fait bloc tout en respectant la plaignante, c’est tout à fait remarquable. Les déclarations de M. Bernard Debré m’ont laissé perplexe (NDLR : le député UMP de Paris a qualifié DSK de « délinquant sexuel » et a déclaré connaître d’autres affaires). Pour le reste, la droite n’a pas voulu jubiler et a préféré se taire. Quant à Nicolas Sarkozy je pense qu’il n’a pas compris qu’il y avait à travers l’émotion française quelque chose d’extrêmement fort qui touche à la mise en cause d’une espèce de gloire nationale.

La gauche a perdu son favori, a-t-elle déjà perdu aussi l’élection présidentielle?
Le Parti socialiste n’est pas impliqué dans cette affaire, mais son dispositif présidentiel s’en trouve chamboulé, voire bouleversé. Les Français sont encore sous le choc. Ne nous précipitons pas, car encore une fois tout est ouvert, mais réfléchissons à 2012 calmement. Dominique était en situation d’être candidat et de l’emporter. Ses concurrents se déterminaient par rapport à cette évidence. Aujourd’hui, c’est à eux de se mettre en situation et nous devons les y aider, les soutenir. Faisons en sorte qu’à ce choc ne s’ajoute pas le désordre.

Faut-il mettre les primaires entre parenthèses?
Si DSK a besoin de silence, si les strauss-kahniens ont besoin de patience, le Parti socialiste a besoin de constance. Nous avons un calendrier, nous devons le respecter. C’est d’abord la convention du PS sur le projet où nous devrons être plus unis que jamais. Et ensuite des primaires maîtrisées qui doivent se dérouler aux dates prévues. Peut-être pourrions-nous toutefois décider à l’unanimité de réduire la phase de la confrontation, afin d’éviter tout dérapage? Je proposerai qu’on en discute lors du conseil politique mercredi prochain.

DSK était-il candidat à la présidentielle?
Oui, je le pense. Il m’avait laissé entendre qu’il s’y préparait. Vous savez, quand vous passez à Paris et que vous voyez la moitié de l’état-major du Parti socialiste, c’est quand même pas pour dire qu’après, vous allez renoncer.

Du coup si Martine Aubry se lance à sa place, ne risque-t-elle pas d’apparaître comme un plan B ou une candidature de second choix?

Il n’y a pas au PS de plan B, il n’y a que des plans A. Dominique avait des atouts par rapport à ses concurrents; mais par rapport à Nicolas Sarkozy, ils n’ont que des atouts.

François Hollande est en tête dans les sondages. Cela en fait-il le mieux placé pour l’emporter en 2012 ?
Il est encore trop tôt pour le dire. François est un atout comme Martine, Ségolène ou d’autres candidats pourraient l’être. Aujourd’hui il est en tête dans les sondages sur les primaires internes du PS. Mais moi je me détermine à partir des intentions de vote pour le premier tour. Sur cette base, il ne fait la différence que d’un, deux ou trois points avec Martine Aubry. Rien à voir avec les scores qu’on promettait à DSK.

Qu’est ce qui vous distingue sur le fond de François Hollande?
Rien de plus, rien de moins que ce qui me distingue de Martine ou Ségolène. Nous avons défendu les mêmes thèses et nous avons, si j’ai bien compris, adopté le même projet.

Ne serait-il pas logique, alors, que le PS se rassemble derrière sa première secrétaire?
Il serait politiquement faux et humainement inconvenant que je lance à cette étape un appel pour qui que ce soit.

Hollande et Aubry doivent-ils s’entendre?
Moi, je plaiderai fortement pour l’unité.

 

Source Le Parisien

Publié dans Parti Socialiste

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