Jean Christophe Cambadélis : "Sarkozy veut être le héros de la France"
Alors qu'à New York, Nicolas Sarkozy tente de redorer son blason, à Pau, où se déroule mardi et mercredi la rentrée parlementaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis analyse sans indulgence la politique internationale du chef de l'État.
Secrétaire national en charge des questions internationales au sein du PS, il publie, le 4 octobre prochain, Dis-moi où sont les fleurs ? Essai sur la politique étrangère de Nicolas Sarkozy (Éditions Bruno Leprince) et répond aux questions du Point.fr.
Le Point.fr : L'image de la France sur la scène internationale est-elle dégradée par l'attitude de Nicolas Sarkozy ces dernières semaines ?
Jean-Christophe Cambadélis : Oui, mais ce n'est pas nouveau. Ce qui se passe avec les Roms, la polémique avec l'Allemagne, l'accrochage avec Angela Merkel... nous avons déjà connu cela, et de même intensité, avec la Chine. Rappelez-vous : un jour, il fallait recevoir le dalaï-lama, un autre jour, il ne fallait pas le recevoir et, le troisième jour, c'est Mme Sarkozy qui le recevait avec M. Kouchner (en août 2008, ndlr). Même problème avec la Russie. Il ne fallait pas discuter avec les Russes et soudain, on déployait le tapis rouge à Vladimir Poutine (en mai 2008)... Nicolas Sarkozy n'a pas de politique internationale suivie et cohérente parce que la politique internationale n'a qu'une vocation nationale pour lui. Bilan, Nicolas Sarkozy est partout médiatiquement, mais la France n'est nulle part.
Est-ce à dire que Nicolas Sarkozy ne s'adresse qu'à son électorat ?
Depuis les élections régionales de mars 2010, Nicolas Sarkozy se concentre non sur le gouvernement de la France, mais sur la préparation de l'élection présidentielle. Tout ce qu'il fait procède de sa candidature en 2012, que ce soit le tournant sécuritaire, la réforme des retraites, la désignation d'un bouc émissaire - les Roms - ou la tension avec l'Europe. Il s'agit de créer les conditions de sa réélection.
Cela peut-il avoir des conséquences sur la présidence du G20 ?
Il y aura des conséquences. Nicolas Sarkozy veut être le héros de la France, pas faire avancer les grandes questions du monde. Alors, pendant la présidence du G20, il démontrera qu'il veut faire beaucoup et que les autres ne veulent pas. Il va retrouver un bouc émissaire. Il soulignera que les États-Unis et la Chine ne veulent pas de la taxe sur les transactions financières ou que tel ou tel autre pays ne veut pas avancer sur les questions écologiques. C'est d'ailleurs paradoxal. Pour présider le G20 et faire avancer ses thèses, il aurait intérêt à rassembler, à dialoguer, à être l'homme du consensus, non l'homme de la tension. Or Nicolas Sarkozy aiguise, accentue, clive.
Le PS tient une convention nationale le 9 octobre sur les questions internationales. Quelles sont les urgences ?
Le PS va montrer qu'il offre une alternative cohérente, praticable, juste et responsable. Il cherche un nouvel équilibre à l'échelle mondiale. Nous voulons rénover le multilatéralisme en donnant beaucoup plus de place aux Nations unies, relancer l'Europe en définissant une politique de croissance et avec une véritable refonte de l'axe franco-allemand qui a été détruit par Nicolas Sarkozy. Nous avons aussi des propositions sur l'Afghanistan, sur le Moyen-Orient, sur l'Otan, et nous voulons redéployer un politique en direction du Sud, l'Euro-Méditéranée étant un échec pour Nicolas Sarkozy.
La première motion de censure défendue par le PS sous cette mandature, le 8 avril 2008, était précisément contre la "rupture atlantiste" de Nicolas Sarkozy. Le PS au pouvoir retirera-t-il la France du commandement intégré de l'Otan ?
Il y a une continuité diplomatique. Nous devrons donc vérifier si les raisons pour lesquelles la France a réintégré l'Otan sont valables. Est-ce qu'il n'y a pas de subordination de la France au commandement américain, est-ce qu'on a avancé sur le pilier européen de la défense ? S'il s'avère que nous sommes subordonnés et sans voix, comme cela a l'air d'être le cas en Afghanistan, et s'il s'avère qu'on a pas fait un pas du point de vue de la défense européenne, alors nous en tirerons les conséquences.
Le PS s'engage-t-il par ailleurs à rapatrier les troupes françaises présentes en Afghanistan ?
Nous sommes précisément au coeur de l'inconséquence de Nicolas Sarkozy, qui, en campagne, s'était engagé à poursuivre la politique de retrait des troupes engagées par Jacques Chirac. ("Le président de la République a pris la décision de rapatrier nos forces spéciales, c'est une politique que je suivrai", a, en effet, déclaré Sarkozy en avril 2007, ndlr). À peine élu, il a envoyé massivement des troupes en Afghanistan. C'était le prix à payer de son amitié avec George Bush et avec les néoconservateurs américains. Nous sommes donc dans une situation où, grosso modo, la France est piégée. Si elle part, elle laisse le pouvoir aux talibans. Si elle reste, elle a des morts toutes les semaines ou tous les mois. Il faut donc y trouver un chemin de sortie, un chemin de paix. Nous proposons une conférence de l'ensemble des pays limitrophes de l'Afghanistan pour qu'ensemble nous mettions en place une sécurisation du pays et, évidemment, le retrait des troupes occidentales qui sont considérées par l'ensemble des habitants comme des occupants.
Source LePoint.fr