Jean Christophe Cambadélis : " Une gauche du renouveau, le Premier secrétaire du PS doit être le premier militant "

Publié le par SD32

En 2010, les militants du Parti Socialiste ont été amenés à se prononcer sur la rénovation du parti, notamment sur des questions telles que la parité, l'organisation de primaires, le non-cumul des mandats et puis l'organisation du congrès. Nous avons voté majoritairement ceci : "Pourront être candidat-e-s au poste de premier secrétaire, les premier-e-s signataires des deux motions arrivées en tête au premier tour."

Alors, dans le contexte actuel où la gauche vient de remporter les élections présidentielle et législative, une motion majoritaire qui apportera notamment son soutien à l'action du Président de la République et de sa majorité parlementaire sera déposée au Conseil National du 11 septembre. Le premier signataire  deviendra alors premier secrétaire.

Martine AUBRY a fait savoir qu'elle ne briguerait pas un second mandat de première secrétaire. Nous respectons sa décision et saluons chaleureusement  le travail de rénovation qu'elle a entrepris , à la tête de notre Parti  ainsi que sa contribution personnelle aux victoires politiques du printemps dernier.

Personne n'ignore aujourd'hui que Jean Christophe CAMBADELIS et Harlem DESIR souhaitent devenir premier secrétaire. Au delà de l'amitié fraternelle qui nous lie à ces deux responsables, demeure l'exigence de faire un choix.

Nous apportons notre soutien à Jean Christophe CAMBADELIS, militant infatigable, homme de conviction, fin connaisseur d'une gauche diverse et d'un Parti Socialiste rassemblé.

Nous publions sa tribune parue dans Le Monde de cet après-midi.

Philippe PUGNET & Cyril COTONAT

 

Une gauche du renouveau, le Premier secrétaire du PS doit être le premier militant

camba-05042009.jpgDe grands pouvoirs appellent de grandes responsabilités.

A la tête du pays, François Hollande et Jean-Marc Ayrault agissent avec constance et courage. Les retards auxquels ils sont confrontés – et la France tout entière avec eux – n’ont jamais été aussi lourds ni aussi nombreux depuis la Libération : retard de compétitivité, de protection des salariés, de services publics dans les territoires, d’Europe pour innover et protéger face au libre-échange sans règles, retard d’imagination aussi quand tout commande de bâtir un monde d’après-crise, plus soucieux de l’humain, de son environnement, du temps long. Retard dans la formation, l’éducation et la culture. Ces retards cumulés c’est la situation laissée par les prédécesseurs, elle est accablante.

Dans ce contexte qui n’a rien d’un lit de roses, car la crise systémique du capitalisme écrase tout. Dans une situation où tout le monde a sous estimé la facture Sarkozy qui est tout autant économique et sociale que morale. Le Président de la République et le Gouvernement mesurent les impatiences populaires. Ils veulent redonner confiance à la France. Cette confiance tellement nécessaire à la croissance.

Historique, le défi l’est aussi pour le Parti socialiste. Depuis 1981, il a gouverné régulièrement, mais pas continument.

Lorsque le Parti socialiste fut au pouvoir, il fut parfois un parti contraint, comme si une fois l’alternance advenue, il rentrait les épaules et perdait de vue, peu à peu, ce qui l’avait rendue possible, à l’exception de sa formidable puissance de feu électorale. C’est ce danger que Martine Aubry, dans son discours de la Rochelle le 26 août, a voulu anticiper pour le conjurer : « Ma conviction, nous dit-elle, est que les ressorts qui ont permis au changement d’advenir en 2012 sont les mêmes qui le feront réussir dans la durée ». Je partage cette conviction et c’est pourquoi je m’engage devant les socialistes.

A la mi-octobre, nous tiendrons notre congrès à Toulouse. Les militants socialistes auront voté et donc tranché. Il doit être utile à la gauche dans la durée, utile à la France et à l’Europe.

Utile, notre Congrès le sera s’il est celui de l’unité. Sans elle, rien n’est possible, à commencer par les victoires : ne l’oublions jamais. L’unité n’est pas l’unanimisme. Il n’est pas souhaitable d’être tous d’accord tout de suite, pas plus qu’il n’est vivable de vouloir tout réinventer tous les jours.

Le débat est indispensable, la cacophonie ne l’est pas. La décision se construit et pas sur la discipline exclusivement, la responsabilité et la solidarité doivent prévaloir une fois les choix délibérés. Faute de quoi, la gauche est desservie et la droite ravie.

Utile, Toulouse le sera surtout si s’ouvre une nouvelle page du Parti socialiste. Celle-ci doit moderniser la France, révivifier la République. Pour ce faire, il faudra réaliser deux quinquennats de progrès après deux présidences UMP de régressions. Pour y parvenir, au-delà du soutien à l’action menée par le Président et le Premier ministre, notre famille politique doit se fixer cinq exigences.

La réflexion est l’exigence primordiale. Dans notre confrontation avec la droite, en France et sur le continent, nous devons nous fixer pour objectif d’imposer l’hégémonie culturelle, de faire partager nos idées, de diffuser nos analyses, nos solutions, voire nos mots comme la « social-écologie » ou le juste échange.

2013 sera une année sans élection. Elle devra permettre de nouvelles rénovations. D’abord moderniser notre rapport à l’entreprise et à la démocratie sociale, ensuite notre vision de la République face à la montée du consumérisme, du libéralisme et du religieux. Les nouvelles questions, sanitaire, alimentaire, le vieillissement, devront être étudiées ainsi que notre projet européen. Et ceci dans quatre conventions permettant aux socialistes de trancher et de préparer les échéances électorales.

Autre exigence : la rénovation de la vie publique. Le PS en est, depuis de nombreuses années, le fer de lance : parité, limitation du cumul des mandats, organisation des primaires citoyennes, puis une fois au pouvoir, formation du premier gouvernement de la République où siègent autant de femmes que d’hommes, baisse de la rémunération du président et des ministres, réduction du nombre de conseillers au sein des cabinets ministériels. C’est beaucoup, mais il reste du chemin à accomplir. Dans le parti comme à l’extérieur. En donnant sa chance, dans la direction nationale comme dans les collectivités locales, à une nouvelle génération de responsables, diverse, compétente, le plus souvent issue du militantisme de terrain, qu’il soit politique, syndical, associatif ou humanitaire. En limitant le cumul des mandats et des fonctions – en nombre et dans le temps – et, c’est indissociable, en instaurant un véritable statut de l’élu. Dans le même temps la parité s’installera partout jusqu’aux instances nationales.

Troisième exigence : associer les territoires au changement. C’est indispensable et c’est d’abord à l’Etat qu’il incombe de nouer un contrat de confiance, de croissance et de solidarité avec les collectivités territoriales. Mais le Parti socialiste est le premier de France par le nombre de ses élus, et d’abord dans les Régions et les Départements, les métropoles, agglomérations, villes et villages. Qui mieux qu’un élu de terrain pour expliquer, relayer, évaluer, concrétiser ? Le socialisme français s’est forgé à partir de la carte administrative de la République. C’est notre histoire, c’est notre identité. Nous sommes – c’est une exception en Europe – une social-démocratie d’élus et de militants qui aspirent souvent à exercer des fonctions électives afin d’agir pour leurs concitoyens : ne nous en excusons surtout pas !

L’Europe – quatrième exigence – doit être une priorité d’action de la prochaine direction du PS. Pas pour se déchirer, mais pour la faire avancer. Ni eurobéats, ni eurosceptiques, il nous faut faire fructifier l’influence nouvelle du Parti socialiste français dans le Parti socialiste européen. Affirmons nos positions : une BCE qui intervient pour stopper la spéculation et apaiser le fardeau des dettes souveraines ; une monnaie unique qui se soucie d’emploi et pas exclusivement d’inflation, et qui se fasse respecter face au dollar et au yuan chinois ; la convergence fiscale et sociale contre les dumpings ; la réciprocité commerciale dans les échanges pour défendre nos intérêts et nos produits, notre industrie et notre agriculture, face à la concurrence de tous contre tous ; l’Europe à géométrie variable, celle des coopérations renforcées, dont les objectifs, le fonctionnement et les frontières soient clairement établis. Telles sont les conquêtes que se fixe la France au sein de l’Union et que le PS français doit porter plus fortement que jamais au sein du PSE. Le débat que j’ai mené avec le SPD a porté ses fruits, rapproché les points de vue. Il devra être amplifié. Comme le sera le combat des rénovateurs de l’Internationale socialiste en organisant à Paris un Sommet des progressistes ouvert aux syndicats, au mouvement social, aux ONG, car il ne faut pas simplement dialoguer avec le mouvement social, mais se fixer ensemble des objectifs communs de transformation sociale.

La dernière exigence, c’est la gauche et le besoin de dialogue permanent en son sein. Le Parti socialiste, parce qu’il est le plus puissant des acteurs de la majorité, doit écouter ses partenaires sans esprit hégémonique. En retour, il attend cohérence et solidarité : c’est bien le moins entre alliés d’une coalition pour changer durablement la société française. C’est pourquoi je propose de mettre en œuvre, sitôt achevé notre Congrès, un comité de liaison des partenaires qui participent au changement. Il permettrait aux partis qui constituent la majorité présidentielle d’échanger, d’anticiper, d’éclairer. La gauche gagnera à être diverse, elle perdrait à devenir adverse.

Encore un mot, la bataille va être rude pour remettre la France sur le chemin du renouveau. La France dos au mur, saignée par les licenciements, entravée par les déficits, bousculée par les défis, devra se rassembler. Le Parti socialiste ne doit pas perturber ce rassemblement. Il doit en être l’âme pour que la sortie de crise ne soit plus jamais ce que nous vivons aujourd’hui.

Chacun l’aura compris : cette feuille de route s’inscrit pleinement dans l’action engagée par Martine Aubry depuis bientôt quatre ans à la tête du Parti socialiste. Celui qui lui succédera en sera le premier secrétaire. Il devra surtout en être le premier militant.

Jean Christophe CAMBADELIS

Publié dans Parti Socialiste

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