La raison du pacte
Laurent Fabius, dont chacun sait qu'il parle peu mais juste, l’a confirmé hier sur Europe1. Selon lui, Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn se sont entendus pour ne pas se présenter l’un contre l’autre aux primaires socialistes en vue de la présidentielle. " Vous savez bien que nous avons décidé ensemble, avec d’autres, qu’ils n’iraient pas l’un contre l’autre " .
Le message est clair, même s’il n’est pas partagé par un autre prétendant, François Hollande, qui réplique en jouant la dérision : "laissons la messe se faire avec ceux qui y croient. Je ne veux pas entrer dans cette église. Je n'ai pas de pacte avec qui que ce soit, si ce n'est avec les Français. Les primaires, ce n'est pas se réunir dans un conclave en attendant une espèce de fumée rose ! ".
Piqué au vif, l’ancien premier secrétaire qui en oublierait presque sa marque de fabrique, cet art du compromis permanent et de la synthèse molle, lorsqu’il fut aux responsabilités, à la tête du Parti socialiste, pendant dix ans !
Pourtant , pourquoi un tel pacte ? Laissons à nouveau à Laurent Fabius le soin de répondre : Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn sont "deux personnalités qui ont à la fois l’expérience, les compétences et la légitimité pour être nos candidats ", deux personnes " qui sont d’ailleurs mes amis "et qui " en plus sont complémentaires ".
Et cette idée de complémentarité est importante car elle justifie, à elle seule, la raison du pacte pour deux leaders politiques qui œuvreront ensemble, côte à côte, lors de la présidentielle de 2012 : l’un comme candidat du Parti socialiste, porteur d’un projet de société novateur, alliant notamment la justice sociale, le progrès économique, le renouveau de la construction européenne ; l’autre comme première secrétaire, garante de l’unité des socialistes et porteuse d’un contrat de gouvernement qu’elle sera chargée de conduire.
L’enjeu de cette présidentielle, au-delà d’un impératif de victoire, d’ailleurs souhaité pour Dominique Strauss-Kahn, par une majorité de français, réside dans " cette exigence d’inventer un nouvel art de gouverner " tout en retrouvant " l’ambition du futur ", comme le souligne Gilles Finchelstein, dans son dernier livre - la dictature de l’urgence -.
Le cadre ainsi défini entraîne la nécessité de garantir l’unité des socialistes dès la primaire. Certes les candidatures sont libres mais la confusion guette si la ligne jaune de la désunion venait à être franchie. Aussi lorsque François Hollande estime n’être dans aucun pacte , ce qui l’exonèrerait de ne pas être tenu par la décision de Dominique Strauss-Kahn de se porter candidat, le député de Corrèze devra quand même considérer, le moment venu, qui sera le mieux placé pour gagner en 2012 !
Philippe PUGNET