Nos pistes pour la retraite

Publié le par SD32

logo_liberation.jpgNous publions cette tribune parue dans Libération et co-signée par MICHEL DESTOT, Député-maire PS de Grenoble, AURÉLIE FILIPPETTI Députée PS de Moselle , JEAN-MARIE LE GUEN Député PS de Paris et MICHEL SAPIN Député PS de l'Indre.

 

Soyons francs : la gauche peine à affirmer une position clairement réformiste sur la question des retraites. Nous devons nous y atteler d'urgence, en proposant une refonte globale de notre système de retraites, qui repose sur des idées nouvelles. Le débat prend aujourd'hui une drôle de tournure. La crispation du gouvernement sur l'âge légal de départ à la retraite n'est pas à la hauteur de l'enjeu : l'âge moyen de départ en retraite s'élève déjà à près de 62 ans. Certains, principalement les cadres, peuvent travailler au-delà de leur soixantième année ; d'autres ont déjà cotisé suffisamment de trimestres pour pouvoir prendre leur retraite à taux plein avant d'atteindre l'âge de 60 ans. L'âge légal de départ à la retraite à 60 ans doit être maintenu. Il est un acquis non négociable. Il constitue une garantie de justice sociale, notamment pour tous ceux qui ont débuté tôt leur carrière. Il doit aussi rester une possibilité de départ pour ceux qui le souhaitent.

 
Nous devons en revanche affirmer le principe d'un allongement de la durée de cotisation. Face à une espérance de vie qui s'accroît et devant le grave déficit de la branche vieillesse (- 10,7 milliards d'euros prévus pour 2010), cette solution nous semble être la mesure à la fois la plus juste socialement et la plus efficace économiquement sur le moyen et long terme. Actuellement l'espérance de vie augmente d'environ deux ou trois mois par an, il n'est donc pas déraisonnable de consacrer une partie de cette augmentation à la période de la retraite et une fraction à la poursuite de la vie professionnelle. Mais il faut aussi élargir la discussion : l'âge légal de départ en retraite, la durée de cotisations ou le calcul des pensions ne peuvent suffire. Les discussions doivent porter sur une série d'autres questions (l'emploi des jeunes et des seniors, la formation tout au long de la vie, les trajectoires professionnelles, les différences de niveaux de vie entre retraités).


Nous ne pouvons admettre une réforme qui ne conçoit la question des retraites qu'à travers le prisme de l'équilibre des comptes sociaux. Oui, le financement des retraites n'est pas assuré, mais nous ne pourrons pérenniser son financement qu'avec des critères et des considérations de justice sociale qui répondent aux aspirations des Français et aux spécificités de notre économie. Nous devons bien entendu mobiliser d'autres sources de financement en mettant à contribution les revenus du capital (stock-options, bonus...), les banques et les sociétés financières. Cela ne sera malheureusement pas suffisant. Les périodes d'inactivités forcées qui deviennent régulières, pour ne pas dire malheureusement récurrentes, méritent d'être mieux prises en compte. Il en va de même des emplois précaires (stages successifs, temps partiel subi, contrats à durée déterminée) ou des phases d'intérims qui conduisent à accumuler des droits à retraite très incomplets. Les carrières sont de moins en moins linéaires, notre système de retraite doit donc être repensé et même transformé. Dans le cadre de cette réforme globale, nous devons viser à renforcer l'employabilité à tous les âges. Elle n'est que de 38% pour les 55-64 ans ! Nous devons aménager le temps de travail tout au long de la vie ; donner corps à la sécurité sociale professionnelle en alliant emploi, formation et transition professionnelle ; accorder des trimestres de cotisations retraites pour les études universitaires, les années de congé parental et le futur service civique.


Nous devons mieux prendre en compte les périodes de chômage non indemnisées, les périodes de stage et de revenu de solidarité active (RSA) ; bonifier les années de cotisations pour les fonctionnaires, en particulier les enseignants, qui œuvrent dans les établissements scolaires difficiles, où les missions de service public peinent à être assumées. Nous devons profondément réformer la santé au travail, mener des politiques de prévention de l'usure des travailleurs, et surtout veiller à une prise en charge collective de la dépendance. Le projet de loi déposé, prochainement au Parlement, devra en conséquence intégrer ces différents aspects. Il n'en prend malheureusement pas le chemin.

 

Cinq pistes complémentaires méritent d'être explorées


Premièrement, nous devons tenir compte de la pénibilité de certaines professions en intégrant des trimestres de cotisations supplémentaires pour les salariés effectuant des travaux pénibles. Nous ne sommes pas favorables à un allongement uniforme de la durée de cotisation, il mériterait d'être proportionné à l'espérance de vie à la retraite.

Deuxièmement, il convient de réfléchir à un rapprochement des systèmes de retraite afin de prendre en compte les passages - de plus en plus fréquents - entre le secteur public et le secteur privé. Il est anormal qu'une personne ayant travaillé moins de quinze ans dans le public ne puisse faire valoir ses droits à pension dans la sphère publique, et rencontre des difficultés à faire reconnaître ses droits au sein du régime général.

Troisièmement, il est nécessaire de faire évoluer le taux de remplacement net pour une carrière entière au niveau du Smic. Et passer ainsi, après la réforme, d'un taux de remplacement de 85%, à 90%, puis à 95%.

Quatrièmement, il faut reprendre la réflexion sur la question des départs progressifs en retraite : ne pourrait- on pas envisager de liquider sa pension plus tardivement, tout en effectuant moins d'heures par semaine? Si le salarié l'envisage, il pourrait prolonger son activité professionnelle en passant d'un emploi à temps plein, à un emploi a temps partiel à 80 % puis à 50 % en étalant progressivement son départ en retraite, c'est-à-dire travailler moins, mais plus longtemps. C'est une stratégie positive pour l'entreprise ou l'administration qui ne perd pas subitement les compétences et l'expérience du salarié ; ce dernier, en retour, subit moins le passage immédiat de la vie active à la retraite.

Cinquièmement, à terme, il faudra certainement faire évoluer la comptabilisation des cotisations retraites en privilégiant un système par points ou par comptes notionnels, comme la Suède le pratique déjà.


Il s'agit donc d'engager une refonte globale. Celle-ci sera longue et progressive, mais devra être durable et consensuelle. Elle doit être l'occasion de renouer la confiance entre la sphère politique, les représentants syndicaux et nos concitoyens. La réforme des retraites passe de ce point de vue par une véritable négociation avec les organisations syndicales. Le gouvernement ne peut se contenter d'une simple concertation. Nous avons besoin d'un compromis social avec ces organisations, sinon cette réforme sera incomprise et inopérante. Il manquera une occasion unique de redonner confiance en notre système de retraite par répartition.


Ne nous laissons donc pas enfermer par la réforme proposée par le gouvernement qui est essentiellement comptable, et proposons une démarche et des finalités alternatives, sociales, économiques et humaines.

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