Soirée électorale par Anne Sinclair

Quant à l'abstention, elle me dérange: comment peut-on encore râler, se plaindre, protester, porter des jugements si on ne prend pas une demi heure pour aller au bureau de vote un jour d'élection? D'ailleurs, je crains que les jeunes se soient le plus massivement abstenus (ce qui a pénalisé Europe Ecologie), ce qui est le plus grave.
Je suis d'accord avec l'idée qu'il ne sert à rien de répéter aux abstentionnistes que des hommes des génération précédentes sont morts pour qu'ils aient le droit de donner leur opinion. Alors, qu'est-ce qui serait efficace? Et on rejoint ce que je disais hier à propos de Jean Ferrat: il fut un temps où la chose publique mobilisait, intéressait, passionnait. Que s'est-il passé? Qui a failli, les élus ou les électeurs? Les politiques ne savent plus s'adresser à nous? Nous avons l'impression qu'on ne nous écoute plus? Nous sommes devenus indifférents aux débats publics? L'avenir collectif ne nous intéresse plus? Il n'y a plus que mon horizon à moi et je me fous de celui du voisin?
Ce serait un paradoxe qu'au moment où les Etats-Unis retrouvent un peu le sens du débat public, la France, dont c'était la spécialité, s'en détourne. Peut-être qu'il s'agit de foi, d'élan, de force de conviction, d'espoir - "hope", pour reprendre le mot d'Obama qui a su entraîner les hommes et les femmes de son pays (même s'il est vrai qu'il patine aujourd'hui)... Sommes-nous à ce point fatigués et désespérés?
Source annesinclair.typepad.fr