Tabula rasa ?

Publié le par SD32

220px-Gilles_Finchelstein_-_Janvier_2012.jpg"Du passé, ou plutôt du premier tour, faisons table rase". Tel était le mot d'ordre de l'UMP tout au long de la soirée électorale du 22 avril et il faut comprendre pourquoi.

Nicolas Sarkozy, depuis le début de l'année, visait un objectif, poursuivait une stratégie et construisait un récit. Il est éclairant de les reprendre un à un si l'on veut analyser lucidement les résultats du premier tour.

L'objectif ? Il était clair : arriver en tête au premier tour pour créer la dynamique - c'est d'ailleurs pour atteindre cet objectif que l'UMP avait été inventée en 2002 et que Nicolas Sarkozy avait tout mis en oeuvre en 2011 et en 2012 pour assécher le terrain à droite en obtenant le retrait, les uns après les autres, de tous ses concurrents potentiels.

La stratégie ? Elle était transparente : reconquérir l'électorat populaire qui, se sentant trahi, avait abandonné le candidat sortant. Et, alors, faire du clivage peuple/élite le clivage central de la vie publique et de l'immigration le thème structurant de la campagne.

Le récit ? Il était simple : la vérité était ailleurs que dans les chiffres des sondages. Il y aurait un "vote caché" dont l'existence expliquerait la sous-estimation de Nicolas Sarkozy par les instituts de sondage. Il y aurait cette "majorité silencieuse" de la place de la Concorde que l'on n'entendrait pas. Il y aurait une "vague immense" que l'on ne voyait pas mais qui viendrait tout submerger...

Las...

L'objectif ? Il est raté. Nicolas Sarkozy, en recul de plus de trois points par rapport à 2007, est devancé - ce n'était jamais arrivé à un président sortant. Point de dynamique.

La stratégie ? Celle du premier tour a échoué - c'est ce que montreront, à n'en pas douter, les analyses sociologiques du vote. Celle du second tour est compliquée - si compliquée que, plutôt que de risquer le grand écart pour améliorer à la fois les reports de l'électorat de Marine Le Pen et de François Bayrou, Nicolas Sarkozy n'a réussi qu'à lancer un débat... sur le débat.

Le récit ? Il est brisé. Pas de "vote caché", Pas de "majorité silencieuse", Pas de "vague", mais la froide réalité des chiffres. Pas de peur du "rouge" à agiter - Jean-Luc Mélenchon réalisant un score en deçà des derniers sondages (mais, ne l'oublions pas, bien au-delà des intentions de vote de janvier). Et donc, au final, alors que le rapport de force du second tour reste aussi stable que défavorable, pas de récit de substitution - faute de ne pouvoir compter sur autre chose qu'une infime réserve d'abstentionnistes ou de reports...

Ce petit détour jette en définitive une lumière crue sur la situation de l'entre-deux-tours : François Hollande est, plus que jamais, dans une situation extrêmement favorable pour devenir le prochain président de la République.

La "tabula rasa", cela n'existe pas.

 

Par Gilles Finchelstein

Directeur général de la Fondation Jean-Jaurès

Source The Huffington Post


Publié dans Politique

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