Un lynchage médiatique savemment orchestré
A la corrida, l’animal blessé regarde cette foule en liesse et couvert de sang, il attend sa mise à mort . Dans un dernier sursaut d’orgueil , le taureau va se précipiter vers ce matador qui lui plantera le sabre et l'anéantira, à tout jamais.
Image osée, peut être mais triste mise en scène de ce qui pourrait s’apparenter à ce que subit Dominique Strauss-Kahn depuis plusieurs semaines : un véritable lynchage médiatique.
Dans un communiqué de ses avocats Frédérique Baulieu et Henri Leclerc, Dominique Strauss-Kahn estime que la campagnedont il est l'objet n'est pas "dépourvue d'arrière-pensées politiques", les fuites ne pouvant selon lui venir que de ceux qui ont accès à la procédure.
"Depuis un mois il n'a pas été entendu. Pendant ce temps, un véritable lynchage médiatique n'a cessé de s'amplifier, alimenté par des informations puisées dans des procès-verbaux et des pièces du dossier communiqués en temps réel à la presse et d'évidence soigneusement sélectionnés avec partialité", peut-on lire dans ce texte remis à l’AFP par ses avocats.
"Dominique Strauss-Kahn affirme à nouveau qu'il est prêt à s'expliquer non devant un incertain tribunal de l'opinion mais devant ceux qui conduisent l'enquête judiciaire et demande à nouveau à être entendu le plus rapidement possible."
Dominique Strauss-Kahn, épaulé par sa femme Anne Sinclair, sujette elle aussi à tous les commentaires déplacés alimentés par une presse de caniveau, tente de survivre aux insinuations sur sa vie privée étalées au grand jour.
Beaucoup de ceux qui l’accompagnaient, de ces adeptes des courbettes et autres amabilités, de ceux qui se disaient même de ses amis l’ont abandonné. Celui qui fut un grand directeur du FMI, qui avait anticipé la précédente crise financière, avait apporté des solutions et envisageait de mettre en œuvre une véritable régulation financière internationale pour contrer toute spéculation en temps de crise, n’est aujourd’hui qu’un homme à l'agonie sur le plan judiciaire et en miettes sur le plan personnel.
Au moment où une nouvelle crise fragilise la solidarité européenne, permet aux financiers de limoger des chefs de gouvernement pour imposer leurs nouvelles règles et cette austérité qui n’en finit plus d’affamer les peuples alors que quelques privilégiés trouvent toujours l’occasion de s’enrichir dans la spéculation, notre démocratie reste sans réaction face à la violation du secret de l’instruction dans un dossier aux ramifications supposées multiples.
Comme dans la Rome antique lorsque le peuple est inquiet et qu’il a faim, alors on lui donne l’occasion de s’amuser en lui fournissant les moyens de rallumer les braises de la curiosité sur celui qu’il convient d’anéantir définitivement comme pour exorciser ces malheurs qui s’abattent sur une société désabusée et prompte à l’indignation collective, voir plus.
Au delà du drame humain en jeu, c’est la lâchage de sa famille politique qui est le plus attristant.
Aujourd’hui, j’ignore ce que l’avenir réserve à Dominique Strauss-Kahn mais rien ne justifie qu’il subisse une telle mise à mort politique dans une solitude infamante .
Philippe PUGNET