Entre deux tours

Publié le par SD32

Les entre deux tours ne sont pas toujours, au plan de la réflexion politique, les moments les plus passionnants. Ce sont avant tout des instants denses de mobilisation sur le terrain, de discussions locales : la réalité des communes et des départements reprend le dessus, les discussions nationales ont un caractère abstrait, parfois abscons. Il en va ainsi, pour cette cuvée 2008, du débat autour du Modem, qui fait ce matin la une de la presse, l’objet de toutes les interrogations.

C’est compréhensible. La bipolarisation de la vie politique française, entamée lors  de l’élection présidentielle, avance à grands pas, elle est amplifiée par le mode de scrutin municipal, qui exige la formation de listes, le travail militant, dont les grands partis ont davantage les moyens. undefined

Mais cette bipolarisation est imparfaite. Il y avait, dans les années 70 et 80, ce que Maurice Duverger appelait un « quadrille bipolaire », pour organiser la vie politique française : PC/PS d’un côté, UDF/RPR de l’autre. Le PC s’est réduit, l’UDF a muté, le PS a grandi, l’UMP est née : le paysage est aujourd’hui très différent. Il est à la fois plus simple, puisque organisé autour de deux grandes forces, le PS et l’UMP, et plus compliqué, puisqu’à leur côté vivent, pour le PS, des alliés de gauche fragilisés mais utiles, le PC et les Verts – sans oublier les Radicaux et le MRC, parfois – et des forces autonomes, l’extrême gauche et le Modem.

Il est dès lors tentant de vouloir enrégimenter ou séduire les uns et les autres, au prix parfois d’une certaine cacophonie. Ainsi Julien Dray croit-il en une coalition arc-en-ciel et Jean-Luc Mélenchon en un « Linke » à la française, alors que Ségolène Royal appelle à des « alliances partout avec le Modem », auxquelles aspirent aussi, à droite, les duettistes de l’UMP, Patrick Devedjian et Jean-Pierre Raffarin. Pas facile de s’y retrouver.

Pour moi, la question ne peut être traitée, et moins encore résolue, à coups de slogans, il faut une démarche méthodique, qui prend du temps, qui va au fond des choses : c’est pourquoi j’ai proposé la création d’« Assises des progressistes », je persiste et signe. Car les électeurs ont besoin de clarté : une alliance, par définition, ne peut être un bricolage entre deux tours, elle ne peut que se construire ou décevoir. En effet, je pense à gagner, en 2008 comme en 2012, mais aussi, mais surtout, à agir de façon cohérente ensuite.

Pour cette fois-ci, le débat est tranché. Le Modem ne s’allie avec personne, François Bayrou l’a refusé, il montre au contraire une certaine hétérogénéité. À Marseille, Jean-Luc Benhamias a choisi de revenir à gauche – en était-il jamais parti ? – pour soutenir Jean-Noël Guérini : je m’en réjouis. À Metz, Nathalie Griesbeck s’allie avec l’UMP contre Dominique Gros : cela ne suffira pas à empêcher la victoire de celui-ci, mais c’est significatif. À Paris, les listes Modem se maintiennent au second tour, au risque, dans le 5e, de faire élire à nouveau Jean Tibéri : elles auraient dû sortir de l’ambiguïté plus tôt. Bayrou lui-même godille à Pau, affirmant son indépendance d’un côté, sollicitant les électeurs de droite de l’autre. Comprenne qui pourra !

En vérité, dans cette affaire, les maires et candidats socialistes ont joué avec intelligence. Ceux qui ont fait alliance avec le Modem au premier tour l’ont fait sur leurs bases, comme François Rebsamen ou Michel Destot. Ceux qui le feront au second tour ne concèdent rien non plus. Les autres s‘y refusent par cohérence. Tout cela montre bien que la vraie difficulté, pour l’avenir, est ailleurs.

Pour avancer, il faudra que le Modem clarifie sa position, se définisse dans l’espace politique, cesse d’être une mosaïque. Est-il un parti d’opposition ou un parti opportuniste ? Est-il une alternative à la droite ou un concurrent de l’UMP en son sein ? Peut-il, veut-il être un partenaire de la gauche ? Tant qu’il n’aura pas apporté de réponse à ces questions, il ne sert à rien de parler de partenariat avec « le » Modem – il y en a plusieurs, ou il n’y en a pas !

Que le PS commence, donc, par travailler sur son identité. Qu’il se mette en situation d’incarner un socialisme du 21e siècle, de rassembler toute la gauche et au-delà. Alors, sa vocation majoritaire s’affirmera naturellement, les autres se détermineront par rapport à lui, et pas l’inverse.

Pierre MOSCOVICI
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