Pierre MOSCOVICI : les socialistes ont le devoir de ne pas céder aux querelles de personnes ou de générations mais de réapprendre à travailler ensemble, tous ensemble

Publié le par SD32

mosco5.jpgPierre MOSCOVICI vient d'exprimer sur son blog ses impressions politiques de rentrée.

Socialisme & Démocratie 32 reproduit ici  ses propos.


Pierre MOSCOVICI

... Le sarkozisme n’est pas une fatalité éternelle pour la France, la gauche a un avenir si toutefois elle sait le construire.

Nicolas Sarkozy, j’en suis convaincu, n’a pas passé l’été qu’il avait espéré. Bien sûr, son séjour américain l’a enchanté, c’est manifeste. Évidemment, sa cote de popularité reste très élevée, et la confiance dans sa politique forte.

L’état de grâce demeure, il n’est pas fragile, il va sans doute continuer encore un moment. Pourquoi, d’ailleurs, s’arrêterait-il ? Les Français ne souhaitent pas se déjuger et renier leur choix, l’offre politique sarkozienne est la seule disponible, la gauche panse ses plaies et le centre est introuvable. Le style de Nicolas Sarkozy, fait d’énergie, de mouvement, de mise en scène de l’action, de prises de parole fréquentes, directement branchées sur l’actualité, plaît.
Il a su – à juste titre – s’emparer de questions sensibles comme la lutte contre la pédophilie – même si les solutions proposées sont très contestables. Cela explique son inébranlable confiance en lui, qu’il a rappelé hier à la presse quotidienne régionale en se revendiquant comme l’« homme politique de toutes les années, de toutes les saisons, depuis longtemps et pour longtemps », en dénonçant les socialistes comme « pathétiques » et les renvoyant « dans l’opposition éternelle ». Il est vrai que tous les pronostics sur son « explosion » faits depuis 2002 ont été démentis par la réalité. Je ne garderai d’en faire aujourd’hui.

Mais il me semble que de premiers signes de faiblesse apparaissent. Il y a d’abord, ce goût affiché et clinquant pour l’argent – ou plutôt pour ceux qui en ont. Ce n’est pas un crime que d’avoir des amis, et le coût des vacances présidentielles m’importe peu. Mais cette forme de dépendance, ce que « Marianne » appelle joliment la droite « bling-bling », l’ostentation assumée commence, j’en suis persuadé, à gêner. Il y a ensuite cette fascination à contretemps pour l’Amérique de Bush.
Je ne suis pas anti-américain – on m’a même souvent accusé du contraire au PS : j’aime ce pays, sa force, sa vitalité, sa diversité, je considère les Etats-Unis comme nos alliés et nos amis. Mais l’alignement sur un Président « lame duck », canard boiteux, discrédité et rejeté, l’absence de toute parole forte sur la guerre en Irak – à l’heure où le nouveau Premier ministre britannique, Gordon Brown, prend ses distances, est impardonnable.
Il y a, surtout, l’assombrissement des perspectives économiques et financières. Sarkozy avait promis un « choc de confiance et de croissance », alimenté par son élection et par le « paquet fiscal » : il n’est pas là, la croissance ralentit, et les mesures fiscales du gouvernement – 13 milliards d’euros – seront plus que difficiles à financer, il faudra pour cela soit des économies sévères sur les services publics – qui n’en peuvent mais – soit un tour de vis fiscal. Sarkozy ne cesse de communiquer. Il le fait plutôt bien, c’est sa force. Il le fait trop, c’est son handicap. Car il ne se renouvelle déjà plus, les trucs et les ficelles se voient, notamment une nouvelle séparation des rôles entre le « bon flic » - Sarkozy – chargé des nouvelles heureuses – et le mauvais flic -  Fillon – responsable des annonces douloureuses. Mais au final, et comme il aime à le dire, il sera jugé sur ses résultats. Et là-dessus, le doute commence à naître.

Et la gauche, et le PS dans tout ça ? La rentrée des socialistes se fait dans le désordre : Ségolène Royal à Melle, Arnaud Montebourg à Frangy, Manuel Valls partout, le parti tout entier à La Rochelle. Je crois savoir ce qu’il ne faut pas faire : céder aux querelles de personnes ou de générations, aux délices mortifères de la division, à la bataille dérisoire des « éléphants » contre les « lions », au déballage public permanent des états d’âme.
C’est ce que Sarkozy attend de nous, c’est ce qui désespère ceux qui souhaitent une gauche à nouveau conquérante et créatrice. Je crois aussi savoir ce qu’il faut faire. D’abord, réapprendre à travailler ensemble, tous ensemble : c’est pourquoi je jouerai le jeu, avec prudence et lucidité, du débat ouvert par François Hollande, parce que le PS doit être le lieu de notre rassemblement.

Ensuite, rechercher les convergences : sur l’économie de marché, la sécurité, l’éducation et l’innovation, le rôle de la puissance publique, pourquoi pas l’Europe, il y a entre nous beaucoup plus de points communs que certains aiment à le reconnaître, assumons-les, et pour cela parlons nous.
C’est pourquoi j’ai accepté d’intervenir, librement, devant les amis d’Arnaud Montebourg à Fouras le 30 août, de répondre à l’invitation de Lionel Jospin et Bertrand Delanoë le 16 septembre, de travailler sur l’Europe avec Vincent Peillon.

Acceptons aussi les différences : par exemple, je suis social-démocrate – ou post social-démocrate – la question reste à trancher, le PS n’a pas fait cette mue ; et je ne partage pas – sous bénéfice d’inventaire – l’intention affirmée par Manuel Valls de « faire un bout de chemin avec la majorité » sur des questions comme la sécurité ou l’immigration.

Enfin et surtout, travaillons, travaillons encore sur l’état du monde, de la France et de l’Europe, sur nos idées, sur les solutions à construire demain pour l’efficacité, l’égalité et la justice. Cela fait, pour les mois qui viennent, un beau cahier des charges : ce sera le mien.

PS : Le « Journal du Dimanche » m’a bizarrement présenté, parmi les « confidences de Ségolène Royal », comme un des responsables de sa « petite équipe d’experts ». voilà, là aussi, ce qu’il ne faut pas faire. Ségolène m’a demandé, cet été, quelques conseils pour ses déplacements internationaux. Il m’a paru naturel, comme secrétaire aux relations internationales du PS, comme dirigeant politique, de lui répondre. L’anormal, je le répète, était de ne pas se parler, de ne pas travailler ensemble, comme ce fut hélas le cas pendant la campagne présidentielle. Pour cela, je suis totalement disponible. Mais cette nouvelle - récupération, maladresse, erreur journalistique, je ne sais – m’a laissé pantois ! J’ai été le secrétaire du groupe des experts du PS auprès de Lionel Jospin en 1986, cela ne me rajeunit pas, je n’ai plus l’âge, ni le goût, de ce genre de fonction. Et ce n’est pas au moment où l’opinion, y compris de gauche, valide – enfin – les thèses que je défends depuis des années avec DSK, que je vais me rallier à Ségolène Royal – qui n’a je le crois aucun intérêt à créer une nouvelle chapelle si elle veut, demain, jouer un rôle. Je compte au contraire, on l’a compris, approfondir mon engagement auprès de ceux qui, dans le PS ou à côté de lui, militent pour un socialisme du réel. C’est en nous respectant, et non en nous enrôlant, que nous avancerons.
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