Obama ou la fin de l’illusion «bipartisane»

Publié le par SD32

Le président américain tient un discours majeur sur la santé mercredi devant le Congrès. Après une tentative avortée, il devrait compter sur sa forte majorité démocrate à Capitol Hill et abandonner l’idée d’obtenir l’appui des républicains.

Barack Obama s’est-il trompé? Avant d’accéder à la Maison-Blanche, il avait manifesté sa ferme volonté de rassembler le pays fortement divisé après huit ans d’administration Bush. En tant que démocrate, il avait promis de collaborer avec les républicains. Le président doit pourtant déchanter au moment même où il entame l’une des semaines les plus importantes de sa présidence.

Mercredi, jour de la rentrée politique, il tient un discours très attendu sur la réforme du système de santé devant les deux chambres du Congrès. Premier objectif: reprendre la main dans un débat qui lui a échappé. Attaqué par une coalition de conservateurs et d’Américains déstabilisés par la perspective d’un changement, le projet de réforme de la santé est menacé. La tentative d’Obama de mandater six sénateurs, trois démocrates et trois républicains, pour élaborer un projet conjoint a vécu. Deuxième objectif: montrer aux républicains que la phase «bipartisane» (les deux formations politiques sont disposées à coopérer pour adopter des lois) est terminée.

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Ce probable tournant s’explique. Ce mardi, Barack Obama se rend dans un lycée de Virginie pour y tenir une allocution sur sa vision de l’éducation aux Etats-Unis. Celle-ci sera diffusée dans des écoles de tout le pays. Bien que d’autres présidents avant lui se soient adonnés au même exercice, Barack Obama s’est attiré les foudres des républicains et des conservateurs. Sa volonté de renforcer les compétences fédérales en matière d’éducation a provoqué des diatribes au vitriol: Obama serait un Staline ou un Kim Jong-il.

Le centre perd du terrain

Professeur à l’Université de Princeton, Sean Wilentz estime que le président s’est trompé: «Il pense que le problème se trouve à Washington. Sa principale cause réside pourtant dans l’évolution du Parti républicain.» Obama aurait cru à tort que son élection allait engendrer un bouleversement idéologique. Conseiller de l’ex-président Bill Clinton, William Galston confie au Temps que la politique «bipartisane» qu’un Ted Kennedy – l’exception – incarnait à merveille, est devenue un vœu pieu des récents présidents. «Les politiciens centristes des deux partis ont beaucoup perdu de terrain au profit des extrêmes. Il n’y a plus de convergence idéologique entre démocrates et républicains.» Professeur à l’Institut de hautes études internationales et du développement, David Sylvan l’admet: «Avec Barry Goldwater et Ronald Reagan, le Parti républicain a énormément changé et est devenu beaucoup plus homogène.» Auparavant, les deux partis avaient des membres issus de l’immigration ou de milieux plus modestes qui pouvaient s’identifier au centre. La grande période du consensus, ajoute William Galston, débuta au début des années 1950 et se termina à la moitié des années 1960. «Durant la Guerre froide, les deux partis approuvaient le combat contre le communisme. Le président républicain Dwight Eisenhower intégra dans sa politique des éléments du New Deal de Franklin Roosevelt. C’est ce qu’on appela le républicanisme moderne.»

Le problème démocrate

L’impossibilité actuelle de la Maison-Blanche d’établir des ponts avec l’opposition a été favorisée par les circonstances. L’administration de Barack Obama a dû répondre à l’urgence pour sauver le système financier, des constructeurs automobiles et pour relancer l’économie. Les républicains ont eu beau jeu d’accuser le président de vouloir faire enfler le gouvernement de façon démesurée et de rejeter toute collaboration. L’approche coopérative d’Obama fut peut-être une tactique: «Le président a montré une ouverture et laissé apparaître les républicains comme des saboteurs», analyse David Sylvan.

Mercredi, Barack Obama pourrait annoncer son désir de faire aboutir la réforme de la santé même sans l’appui de républicains. Ce ne serait pas la première réforme majeure passée au forceps. Le Social Security Act (sécurité sociale) fut adopté dans les années 1930 sans la moindre voix républicaine. Quant au récent plan de relance américain, seuls trois républicains y souscrivent. Le vrai défi du président, c’est cependant son propre parti, pourtant au pouvoir et majoritaire au Congrès. Uni dans l’opposition à Bush, le Parti démocrate laisse désormais apparaître ses divisions. La gauche du parti vient d’écrire au président qu’elle ne voterait pas un projet de réforme sans l’option d’assurance maladie publique. Un acte inédit. «Cela rappelle, souligne David Sylvan, Lyndon Johnson en 1967-68, quand il fut fortement contesté par la gauche du parti en raison de la guerre du Vietnam.» Mais, conclut William Galston, il y a trop de gens à la Maison-Blanche et au Congrès qui savent quelles seraient les conséquences d’un échec de la réforme de la santé: «Il aurait un coût absolument prohibitif.»

 

Source LeTemps.ch

Publié dans International

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