DSK : Il ne faut pas escamoter les raisons de notre échec

Publié le par S&D32

dsk----metro.jpeg Dominique Strauss-Kahn vient de donner une interview au journal gratuit Metro. Socialisme et Démocratie 32 vous en propose de larges extraits.

Comment le PS peut-il remobiliser pour le second tour ? Avec quels arguments, alors que les électeurs n’ont pas été convaincus à la présidentielle ni au 1er tour ?

DSK : s’il faut une opposition forte à l’Assemblée, c’est d’abord pour une question de principe. Mais c’est aussi parce qu’il faut — physiquement — être nombreux pour être efficace ! Avec une majorité de 400 députés, l’opposition peut débattre et résister, avec une majorité de 500, elle ne peut plus jouer son rôle. Je m’explique. Rappelez-vous le CPE. S’il n’y avait pas eu suffisamment de députés de gauche pour suivre le texte amendement par amendement, pour faire de l’obstruction, pour convaincre ceux qui sont descendus dans la rue, le texte aurait été voté ! Or il y a beaucoup de CPE à venir dans le programme de Nicolas Sarkozy : la franchise médicale, le contrat de travail, l’augmentation de la TVA. Ils provoqueront des dégâts de même ampleur chez les plus faibles.

Mais un gouvernement d’ouverture, cela sert à amender, en amont, des projets contestables ?

DSK : c’est une plaisanterie ! Les ministres issus de la gauche n’auront que deux solutions, en cas de désaccord : ou ils s’inclineront, ou ils s’exprimeront et ils sortiront ! Comme Jean-Pierre Chevènement l’a fait à trois reprises. Ils ne seront en aucun cas des garde-fous.

Pour en revenir à l’opposition, parfois, il vaut mieux être moins nombreux et plus soudé, non ?

DSK : Oui, mais cet argument joue contre l’hypertrophie de la droite à l’Assemblée ! Le cirque sera de leur côté. 

 

La stratégie à adopter face à Bayrou et à ses électeurs divise le PS. Sur ce point, vous êtes plutôt Hollande ou Ségolène ?

DSK : Je suis moi ! Je trouve un peu ridicule le procès qui est fait à Ségolène Royal. On n’est pas un pays de sauvages, on a le droit d’avoir un échange téléphonique avec un leader politique d’un autre parti ! Mais il ne faut pas qu’il y ait d’accord d’appareil de parti à parti, comme une “combinazzione” à l’italienne. Ce n’est pas le moment : il faudra débattre au lendemain de l’élection.

 

Il n’y a donc rien à faire entre les deux tours ?

DSK : pour un accord entre des partis politiques ? Non ! Même le mois de campagne entre la présidentielle et les législatives était trop court. A tout prendre, il vaudrait mieux qu’on vote le même jour pour les deux élections. Sinon, la France perd un mois pour rien.

 

Justement, le PS a repoussé au lendemain des législatives la grande explication - ou la grande lessive. Mais les électeurs ne semblent pas approuver cela ?

DSK : Moi, le soir du 6 mai, j’ai dit qu’il ne fallait pas escamoter les raisons de notre échec. On me l’a reproché. Mais je persiste et je signe. Rien n’est plus grave que de se mettre sous l’édredon. On aurait d’ailleurs dû faire notre auto-critique depuis cinq ans, alors que la direction du PS n’a tranché aucune question ni ouvert aucun débat.

 

Donc, vous souhaitez un départ rapide de François Hollande ?

DSK : ce n’est pas un problème d’homme, mais de stratégie. Il faut que le débat ait lieu et que le PS repense son avenir. François Hollande détient la clé du calendrier. L’important, c’est que ce parti soit capable de regarder la réalité en face. Or, lors de la présidentielle, puis du premier tour des législatives, les Français nous ont dit : “Vous les socialistes, vous êtes  bien gentils, on vous aime beaucoup, mais ce que vous nous racontez n’a pas de rapport avec le monde dans lequel on vit.”

 

En quoi ce discours est-il différent de celui de Ségolène Royal pendant la campagne ?

DSK :  sur le principe de la nécessaire refondation, il n’est pas différent. Après, sur les axes, sur ce qu’on veut faire, il peut y avoir des divergences.

 

Alors, vous pourriez vous entendre bientôt ?

DSK :  mon problème, ce n’est pas de m’entendre avec untel ou untel, de faire des alliances à l’intérieur du Parti socialiste pour prendre le pouvoir ou d’en empêcher un autre. Mon problème, c’est que le Parti socialiste et la gauche réfléchissent à leur avenir et apportent des solutions aux problèmes que se posent les Français.

 

Vous dénoncez l’augmentation annoncée de la TVA pour 2009. Mais vous aviez vous-même suggéré cela ?

DSK : Non. J’ai dit à La Rochelle, en 2005, qu’il fallait utiliser la TVA pour lutter contre les délocalisations, avec des taux différenciés selon le type de produits (secteurs à protéger ou non). Cela n’a rien à voir avec une augmentation globale de la TVA pour financer des baisses de cotisations patronales. Cela va favoriser les entreprises, cela profitera à certains salariés, mais la note sera payée par les RMistes, les chômeurs et les retraités. Qu’il s’agisse de ce sujet, de la déductibilité des intérêts d’emprunt, de la réforme des successions ou du coup de pouce aux heures sup, c’est toujours la même logique : ce sont les plus pauvres qui financeront les avantages donnés aux plus riches. Comme disait l’économiste libéral Hayek : “A ceux qui ont, on donnera.”

 

Brice Hortefeux vient d’annoncer de nouvelles mesures concernant l’immigration, rendant notamment plus difficile le regroupement familial. Qu’en pensez-vous ?

DSK : le projet de loi Hortefeux est scandaleux. Le regroupement familial doit être permis pour les immigrés en situation régulière qui sont implantés en France depuis plusieurs années. Ce n’est pas la peine de défendre la famille et de refuser les droits élémentaires à certains. Une Danoise peut venir s’installer en France sans parler préalablement notre langue, mais pas une Malienne? C’est l’inéquité absolue.


Source METRO

 

 
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