L’affrontement ou la dilution

Publié le par SD32

PEK.jpgLes temps changent, comme chantait Bob Dylan. Jugez-en vous-même : Lutte ouvrière accepte ici et là des accords électoraux avec le PS. Carlos et Lambert sont morts ; Besancenot liquide la LCR ; les Verts s’effilochent ; le PCF pèse moins que l’extrême gauche aux élections ; le camp du « non » est inaudible.

Bayrou a fait moins bien que Giscard dans la construction de son parti présidentiel. 30 ans après la fondation de l’UDF, le Modem a tout à lui envier car il ne cesse de perdre ses meilleurs cadres. Le Front national abandonne le paquebot… Avant une prochaine noyade ?

Les hussards de la République sont fatigués, même quand Sarkozy part en croisade contre la laïcité, cela ne déclenche même pas le début d’une mobilisation, ni même la fin annoncée du service public de l’audiovisuel, 20 ans après la privatisation de TF1.

Sarkozy c’est la synthèse entre Berlusconi, Bush et Thatcher. On y retrouve la même emprise sur les médias, la même brutalité et la même prétention impériale. Il percute la gauche et celle-ci, parce qu’elle a perdu le goût de la baston, qu’elle doute de son identité et qu’elle essaye de vivre dans un monde qu’elle a renoncé à changer, est K.O. debout.

Et pendant ce temps, le Parti socialiste, qui a perdu 70 000 adhérents, s’apprête à gagner les municipales alors qu’il est encore un peu frissonnant de la baffe électorale du printemps. Alors qu’on assiste en son sein à une débauche de candidatures pour le poste de premier secrétaire, il doit faire face à l’extérieur à un débauchage sans précédent.

Il s’agit là d’une nouveauté qu’il convient de regarder par-delà la superficialité médiatique. Il ne faut pas la réduire à sa dimension gouvernementale. Les anciens amis de Besson ou Bockel diront « ils ont toujours été comme ça, c’était attendu ». On pensera « effets d’annonce » à l’évocation des noms de Joe Stiglitz ou d’Amartya Sen, mais dans les villes aujourd’hui, nombreux sont les candidats socialistes qui sont courtisés ou séduits par la droite. En réalité, « l’ouverture » gouvernementale est un précédent qui ne coûte pas cher. Puisque Sarkozy dirige tout, Kouchner ou Amara peuvent bien s’agiter, ils ne démontrent que leur instrumentalisation par un pouvoir qui joue sur l’éblouissement de son apparence pour masquer son impuissance.

Mais si cela « prend » dans les villes, il y aura une pratique. A l’échelon local, on a vu des maires transcender les clivages par leur charisme ou leur sens du service. Cela dit tout le monde n’est pas André Labarrère, Gaston Defferre ou Roger Quillot. L’ouverture au plan local, c’est le grignotage de la gauche. Or, s’il y a bien un échelon où les socialistes sont implantés et où ils réussissent, c’est bien dans les municipalités. On voit bien la suite. En 2010, il faudra rétablir l’ordre : la France de Sarkozy, c’est vingt-six régions dont vingt-quatre tenues par la gauche. « Ca ne peut plus durer ». C’est un moyen comme un autre. L’affrontement ou la dilution… dans tous les sens du terme.

Affrontement car la petite musique du « dépassons les clivages », « ce sujet n’appelle pas les polémiques » auquel répond trop souvent « sortons de l’affrontement bloc contre bloc » sont en réalité des somnifères très efficaces. Puisque la droite n’a jamais été autant à droite, pourquoi la gauche devrait se droitiser au nom de la « modernité » ? Il faut s’opposer et commencer à proposer. Cela commence par la reconstruction de l’alternative et de l’appareil militant pour adapter le parti socialiste aux nouveaux enjeux d’une nouvelle période.

La dilution c’est ce qui menace. La démocratie a rarement été aussi anesthésiée par l’hyperprésidence. Le berluscozysme, comme dirait Fabius. La république a rarement été aussi oubliée dans les discours du président. En prétendant faire un parti « totalisant » qui serait à lui seul, la droite et la gauche – comme, finalement en Russie de nos jours, toutes proportions gardées, Sarkozy avec le soutien des médias réduit le débat démocratique à la portion congrue.

Mais nous ne sommes pas obligés de l’aider dans cette entreprise. Le taureau, même à la fin de la faena peut encore relever la tête. Nous ne sommes pas tenus d’attendre l’estocade.

Quand on est de gauche, il n’y a pas de compromis possible avec le sarkozysme. Ni l’attentisme, ni le suivisme. Si l’opposition ne fait pas son travail et que la politique se réduit à l’actualité des frasques élyséens d’un côté et du concours de muscles de l’autre, cela finira par ennuyer tout le monde.

Et quand la France s’ennuie…

Pierre KANUTY

 

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