A la faveur de la rencontre d'une circonstance exceptionnelle et d'un homme de gauche, le FMI a modifié son cap

Publié le par SD32

dsk-devant-le-fmi.jpgIl arrive encore que la lecture des journaux nous réserve quelques bonnes surprises. Un journaliste réputé de Marianne nous invite dans une sorte de réflexe citoyen à quitter la tyrannie de l’instant et l’impressionnisme des petites phrases. Hervé Nathan nous convainc aisément de s’éloigner de la vacuité d’une certaine presse qui doctement s’interroge à propos de DSK : « Comment va-t-il ce matin ? », « A-t-il mangé sucré ? Salé ? ». Il nous propose plutôt d’en revenir aux faits et aux paroles prononcées dans ce qu’il nomme « l’observatoire du DSK ». Sain réflexe en effet si l’on considère comme différents observateurs avisés semblent nous le dire que cet homme là pourrait bien porter les couleurs de la gauche à la prochaine élection présidentielle de 2012. C’est donc avec enthousiasme que je lui réponds : Chiche !

Il semble s’étonner, non sans une pointe d’acidité, que Dominique Strauss-Kahn s’intéresse au marché du travail européen ou au sort des travailleurs sans papiers. Il est vrai que par le passé le destin des citoyens européens du vieux continent ne préoccupait pas beaucoup du côté de Washington. Rappelons pour être juste avec les fonctionnaires du FMI que la mission fixée par la conférence de Bretton Woods en 1944 à l’institution naissante consistait plutôt à mettre en place un nouveau système monétaire international et garantir la stabilité financière dans la cadre de la nécessaire reconstruction au lendemain de la guerre. Oui mais voilà, la plus grave crise économique et financière depuis 1929 est passée par là et a profondément changé la donne. A la faveur de la rencontre d’une circonstance exceptionnelle et d’un homme de gauche, c’est le FMI qui a modifié son cap : il pèse désormais significativement sur les choix pris par les chefs d’Etats et de gouvernement dans le cadre du G 20. Quittant les canons du consensus de Washington, le FMI sous l’impulsion de DSK appelle dès janvier 2008 à une relance keynésienne coordonnée. Du jamais vu ! En dépit des critiques du G7 et des européens, il persiste et signe en chiffrant la relance nécessaire à 2 % du PIB mondial ; ce sera grosso modo l’ampleur du stimulus mis en œuvre in fine par les pays du G20 au cours des années 2009 et 2010, et qui a probablement évité une dépression mondiale.

Puis il tire les leçons de la crise et donne au FMI un nouveau mandat - bien au-delà de la lettre des traités - afin d’englober l’ensemble des politiques macroéconomiques - sa vocation traditionnelle - et celles liées au secteur financier qui influent sur la stabilité de l’économie mondiale non sans pointer les limites et les lenteurs des mesures prises dans le cadre Bâle III. Sait-on en outre que contrairement au procès que l’on intente parfois à un FMI qui infligerait « des potions amères libérales » c’est bien DSK qui a lancé des propositions aussi audacieuses que radicales comme la taxation du secteur financier pour décourager la prise de risque excessive que ne renierait pas les tenants de la taxe Tobin ? C’est le même DSK qui a proposé la création d’un fonds vert en mars 2010 pour apporter un financement massif et pérenne à la nécessaire conversion écologique du monde délié des aléas budgétaires d’Etats endettés. Sans parler de la réforme de la gouvernance du FMI au profit des émergents - jusque là maintes fois annoncée mais jamais réalisée - et qu’il a fait entériner par le récent G20 de Séoul en novembre 2010.

Quant aux fameux plans d’aides aux pays défaillants si critiqués, ils ont tout d’abord servi de puissants amortisseurs à travers la distribution de plus de 200 milliards de dollars d’encours dans le monde à des taux d’intérêt quasi nuls et à prévenir en Europe le risque d’un dangereux scénario domino qui aurait rapidement déstabilisé toute la zone euro. En outre, ces plans sont maintenant menés avec discernement : restauration des finances publiques bien sûr, mais sans casser les conditions de la croissance et de l’emploi qui reste l’objectif primordial. L’accent est désormais mis sur la protection des populations vulnérables et les dépenses sociales sont préservées voire accrues là où c’est possible. Ainsi, sur les 19 programmes lancés en 2008 et 2009 en faveur de pays à faible revenu, 16 prévoient une hausse des dépenses sociales.
 

En Europe où le FMI est massivement intervenu, DSK relève un paradoxe : l’Union Européenne pèse encore un quart du PIB mondial, dispose d’une puissante monnaie de référence mais sa panne de croissance et d’emploi est inquiétante alors qu’ailleurs dans le monde les économies repartent. Parmi les causes ? Plus que jamais l’absence de gouvernement économique. Or avec la persistance de risques systémiques, la situation n’est plus soutenable. Dans son discours de Frankfort il plaide comme européen pour une nouvelle étape d’intégration cette fois élargie au contrôle budgétaire - contrepartie nécessaire à la mise en place du fonds de soutien aux Etats défaillants - et pour la mise en œuvre d’une fiscalité commune voir même une convergence des marchés du travail européens. Doit-on aller jusque là ? Pourquoi pas si l’on considère l’attitude faiblement collaborative de pays comme l’Allemagne qui - corsetés par le cadre monétaire commun - pratiquent pour le dépasser une politique de « désinflation sociale et salariale », façon de garder leur avantage compétitif en tirant leur marché du travail vers le bas. Sans doute la nécessité d’un cadre commun s’impose aussi à observer l’absence de mobilité des travailleurs, frein indéniable à la reprise de l’emploi en Europe tant du fait de blocages culturels et linguistiques persistants que de l’absence de cadre social et juridique convergent.

Cette intégration est-elle synonyme dans l’esprit de DSK de menaces pour les droits sociaux ? A cet égard est-il bien nécessaire de rappeler que pour la première fois le FMI et l’OIT ont tenu une conférence commune le 13 septembre dernier ? Lors de cette rencontre les deux institutions ont convergé pour faire des politiques de l’emploi et du destin des travailleurs, avec les objectifs traditionnels de politique économique, une priorité partagée. Le FMI reconnait désormais publiquement les bienfaits du traitement social du chômage comme les contrats aidés, le chômage partiel ou la réduction du temps de travail pour préserver l’emploi. Mais se satisfaire de cette évolution positive de l’institution ne suffit pas. Pour dépasser la panne européenne actuelle, il est indispensable de s’interroger sans tabou sur les moyens pour recouvrer notre compétitivité, sans bien sûr défaire notre modèle social. Concilier ces deux objectifs constitue un enjeu politique noble pour tous les européens qui figurera, espérons le, à l’agenda des grands rendez-vous démocratiques à venir des différents pays de l’Union.

François KALFON

Délégué général aux études d’opinion du PS

Conseiller Régional d’Ile-de-France 

Publié dans Politique

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